L’Age d’Or du Palladium
Intéressons-nous à l’un des métaux précieux les plus méconnus de tous : le Palladium. Numéro atomique 46, faisant partit du groupe du Platine et cousin du célèbre Rhodium, ce métal a vu son cours s’envoler depuis ces dernières années à tel point que le prix du Palladium (environ 1950€/Once) à dépassé celui de l’or (Environ 1500€/Once).
Où en trouve-t-on ?
Métal précieux oblige, la joaillerie l’utilise pour la composition de certains alliages tel que le fameux or blanc. Néanmoins cela ne représente qu’une infime partie de la consommation mondiale de palladium, environ 3~5%. Il peut être utilisé en odontologie pour la confection de couronne dentaire. Il s’agissait par ailleurs de son utilisation principale avant l’avènement des catalyseurs. Cela représente aujourd’hui environ 7~10% de la consommation mondiale.
Nous trouvons ensuite les applications en électronique. La principale utilisation connue étant pour la fabrication des condensateurs multicouches en céramique et de connecteurs. Composants électroniques que nous retrouvons dans nos smartphones, téléviseurs, ordinateurs, électroniques embarqués, … On estime une consommation de 10~15% de la production mondiale.
Il est aussi utilisé pour le stockage de l’hydrogène, la principale utilisation étant la fabrication de pile à combustible utilisée comme source d’énergie alternative aux énergies fossiles. Cela est encore peu exploité par le Civile, en effet la pile à Hydrogène présente un coût de production élevée qui pendant plusieurs années ne la rendait accessible qu’aux agences spatiales, mais tend à se populariser.
Pour finir, sa principale utilisation aujourd’hui, ~75% de la consommation mondiale, concerne l’automobile. Le palladium est utilisé comme catalyseur pour les pots catalytiques des voitures essence afin de permettre la transformation des composés chimiques nocifs issus post combustion (monoxyde de carbone et oxyde d’azote) en composés moins nocifs (dioxyde de carbone et eau). A cela il faudrait ajouter l’électronique embarqué qui prend une place de plus en plus grande dans nos véhicules.
Comment expliquer la hausse du cours?
Comme bien souvent en économie, le prix est issu de l’équilibre entre l’offre et la demande. La hausse du cours s’explique donc mécaniquement par un déséquilibre où la demande surpasse l’offre. Mais pourquoi ce déséquilibre est-il observable depuis peu de temps?
Une hausse de la demande
Depuis la COP 21 de Paris, coïncidant avec l’affaire Volkswagen (« DieselGate ») sur la fin 2015, de nombreux pays souhaitent activement lutter contre le réchauffement climatique. Cet article n’a pas pour vocation de traiter de l’écologie mais des conséquences économiques que cela a engendré. On assiste ainsi à une course à l’écologie où chaque pays tente de nettoyer son parc automobile de ses véhicules les plus polluants. De par les diverses reformes ou annonces (au niveau mondial, on pense au Norme China 6 et Euro 6) les comportements des consommateurs sur les achats de véhicule (principal consommateur de Palladium) ont fortement évolué. Cela a eu pour conséquences :
- Un désintéressement du diesel pour des véhicules essence, hybrides ou électriques (En France, 38% de véhicules vendus étaient des diesels en 2018 contre 75% en 2008).
- Une augmentation des véhicules hydrogène (notamment les transports en commun).
Cette hausse des ventes de véhicules essence (il est a noté qu’un véhicule hybride nécessite plus de Palladium qu’un véhicule essence classique), couplée à l’augmentation des véhicules à hydrogène et électrique (on pense notamment à Tesla avec son projet « Palladium ») a induit une très forte augmentation de la demande du Palladium pour la confection de pot catalytique.
De plus, les voitures modernes contiennent de plus en plus d’électroniques embarqués ce qui implique aussi une augmentation de la demande du métal.
Le changement de comportement décrit ci-dessous reste vrai principalement pour les pays dit « développés », néanmoins il est aussi intéressant de regarder plus en détails les ventes de véhicules des BRIC.
La Chine, bien que déjà citée précédemment, présente des niveaux de vente stables sur les dernières années (mais en prenant un peu de recul on observe une hausse de +75% depuis 2012). Avec environs 28 millions de véhicules de tourisme vendus en 2019 (on estime a 100 millions le nombre de véhicules vendus à travers le monde la même année), le leader mondial de l’automobile est le principal moteur du prix du Palladium. La hausse de demande s’explique donc par l’explosion de ventes de véhicules hybrides/électriques en Chine (+27% de véhicules vendus en 2019).
Le Brésil avec ses 2,6 millions d’unités vendues en 2019 (en hausse pour la 3ème année consécutives) dépasse la France (2,2 millions de véhicules vendus) et talonne certains géants du secteur tel que le Japon (3,2 millions de véhicules vendus). Il sera intéressant à l’avenir d’observer si cette évolution des ventes reste constante et si le Brésil, tout comme la Chine, amorcera une transition vers des véhicules moins polluants et donc plus consommateurs de Palladium.
Pour finir sur les BRIC, parlons du géant endormi de l’automobile, l’Inde. Avec seulement 30 véhicules pour 1000 habitants (à titre de comparaison la France est à 478/1000, le Luxembourg a 670/100 et les Etats-Unis a près de 800/1000), il s’agit du pays qui présente le plus grand potentiel de ventes. Néanmoins, les ventes peinent à décoller, seulement 3,3 millions de véhicules en 2018, ce qui s’explique par la hausse du prix de vente des voitures suite à l’adoption des nouvelles normes (BS6 l’équivalent de Euro 6 pour l’Europe) qui freine grandement les consommateurs. Mais à raison de 2g à 5g de platinoïde (Platine, Rhodium et Palladium) par pot catalytique, pour une population de 1,35 milliard, cela représente 1000 à 3000 tonnes de métaux précieux nécessaires pour atteindre le même niveau de véhicule par habitant que la France.
Une faible production mondiale
Le Palladium reste un métal « rare », on constate une certaine difficulté à extraire ce précieux élément avec une production mondiale autour des 200T/an qui ne se trouve que dans trois zones géographiques.
De plus, les réserves minières sont extrêmement difficiles à évaluer. Nous sommes pour le moment à l’abri d’une pénurie mondiale néanmoins les filons actuels n’étant pas intarissables, il faudra sérieusement évaluer les ressources dont on dispose.
Les estimations actuelles estiment le déficit de -300.000 Oz sur 2020, -500.000 sur 2021 et un retour à -300.000 sur 2022, il est plus qu’envisageable que le cours ne cessera pas d’augmenter ces prochaines années.
Un risque d’éclatement de bulle
Le Paladium se traite de gré à gré et sur certains marchés organisés tel que le NYMEX (New-York Mercantile Exchange), le CME (Chicago Mercantile Exchange) et la Bourse de Paris.
La nécessité des métaux précieux dans le high Tech et son utilisation pour respecter les normes anti-pollution ont créé une hausse des prix sans précédent. D’après les prévisions de la German Mineral Resources Agency (DERA), le prix de l’once du palladium pourrait même quintupler à l’horizon 2035, ce qui motive les investisseurs à la prise de position spéculative. Comme tout investissement spéculatif, cela a tendance à générer une bulle, et comme toute bulle celle-ci est vouée à éclater à un moment, faisant plonger dans le même temps le prix du cours.
Néanmoins d’autres évènements économiques peuvent influer sur le prix du métal. Il important de rappeler que le palladium, étant principalement exploité par l’industrie automobile, est très sensible aux pressions économiques de certains pays (On pense notamment à l’Asie car il s’agit à la fois du plus gros « client » mais aussi car l’Europe préfère la Platine au Palladium). Ce fut le cas en Février 2020 lors du confinement en Chine qui a réduit drastiquement sa production de véhicule provoquant une chute du cours de -48% en moins d’une semaine.
J. Nataf, consultant CMG Conseil