Le détournement financier est-il le réel coupable des troubles économiques fondamentaux ?
Récemment, l’apparition de l’affaire des « FinCEN Files » et les grands mouvements d’argent « sale » (trafic de drogue, crimes, fraude fiscale, trafic d’arme, recèle, etc.) ont secoué le monde financier et politique. Une estimation de 2000 milliards de détournements démontré par l’ICIJ (Consortium International des Journalistes d’Investigation) sur près de 20 ans d’investigation.[1]
La majeure partie des faits est globalement répartie dans 5 grandes banques internationales, certaines ont immédiatement répondues qu’elles sont au courant de ce détournement et qu’elles font tout ce qui est en leur pouvoir pour renforcer les contrôles à travers une démarche volontaire et déterminée, d’autres ont choisi de nier les faits. Toutefois, certains journalistes mettent en exergue le côté systématique de la passivité de certaines banques fasse à l’afflux d’argent sale, rendant caduque l’argument de l’ignorance des faits. La position notamment de la Deutsche Bank est jugée particulièrement suspecte par les journalistes qui ont avancé le chiffre de 62% à elle seule des SAR (Suspicious Activity Reports)
Cet évènement rappelle l’amende de 630 millions de dollars que la Deutsche Bank a dû payer en 2017 suite à l’audit des services financiers de New York (DFS) et le régulateur britannique (FCA)[1]. La FCA a indiqué que l’identité des clients était inconnue mais que des fonds importants avaient été investis en roubles dans des actifs auprès de la banque allemande via des filiales à Moscou. Des accusations de terroriste économique ont été énoncées à l’encontre de la Deutsche Bank et la banque a été contrainte de recruter un superviseur indépendant pour s’assurer des procédures de contrôle internes. En dépit de cette intervention, une nouvelle affaire vient donc éclabousser cette banque.
La Deutsche Bank n’est pas la seule concernée, HSBC, JP Morgan, ING, l’Arab Bank et d’autres sont accusées de fait extrêmement grave, non seulement de détournement généralisé et systémique, mais aussi de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent d’activité illégale. JP Morgan s’est également vu sanctionné d’une amende approchant le milliard de dollars pour manipulation de marché[2]. HSBC a reconnu les SAR qui lui sont reprochés, mais argumente que les activités illégales citées sont connues depuis 2012 et pour lesquelles elle s’était mise en accord avec la justice américaine en acceptant de payer 1.9 milliard de dollars en contrepartie d’une suspension des poursuites pénales. En 2017, le gouvernement américain a permis à HSBC d’annoncer qu’elle avait « respecté ses engagements »[3]
L’Arab Bank, groupe bancaire jordanien, en revanche est dans une situation bien plus complexe. Les FinCEN files ont démontré qu’elle était en lien avec une banque internationale, « Standard Chartered », cette collaboration a généré des mouvements suspects sous la forme de dons et de cadeau. Les régulateurs ont donc accusé cette collaboration de financement du terrorisme et ont émis un SAR correspondant. La BBC a réalisé un article à charge, mettant en exergue les relations durables établies entre les deux banques au mépris de toute réglementation financière[4]
En plus des noms des grandes banques, certains noms d’acteurs individuels commencent à se faire connaître, en premier lieu Low Taek Jho[5], un financier malaisien qui est actuellement recherché par la justice singapourienne, américaine et malaisienne. Cet homme officiait comme conseiller du fonds souverain malaisien « 1MBD »[6]
Du côté des banques françaises, une bonne nouvelle puisque la quasi-totalité des banques sont exemptés de SAR, mis à part quelques-uns concernant la Société Générale et concernant des affaires déjà connues avant le scandale du FinCEN Files[7]. Un grand examen était d’ailleurs en cours en France par les membres du GAFI (Groupe d’Action Financière), afin d’examiner la politique des banques françaises en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. L’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) avait souligné la qualité de la traçabilité des flux financiers en France et de la qualité et de la régularité des reportings qui lui avaient été adressé[8].
Cependant, l’affaire du FinCEN n’est pas le seul détournement existant. D’autres, moins perceptibles, existent au sein même de nos comptes bancaires. Ce phénomène latent n’attend qu’une chose, la monnaie scripturale totale ou encore l’abandon des billets et des pièces toujours à l’étude en Europe. L’argument en faveur de cette mesure est le modernisme, tout ira plus vite, tout ira mieux, que la nouvelle dématérialisation nous sortira des comparaisons avec les sociétés archaïques. En revanche, des premières prospections démontrent que le cout du dépôt des banques à la BCE sera réglé par les clients bancaires. Pour cela il faut expliquer la mécanique d’emprunt des banques. A l’heure actuelle, la BCE paie les banques pour qu’elle emprunte à la BCE (à taux négatif) les banques reçoivent donc des prêts à taux négatif qu’elles prêtent à leur tour à leur client, mais à taux positif bien évidemment. Mais pour pouvoir emprunter à la BCE à taux négatif, la BCE impose aux banques de laisser en fond propre un montant déterminé en gage, ce montant en gage étant facturé pas la BCE aux banques. Les banques sont heureuses d’emprunté à taux négatif, mais pour ce qui est de payer pour déposer des fonds propres à la BCE, c’est pour elles une perte qu’il faut éviter à tout prix. Cette mesure avait déjà fait bruit en 2019[9] [10], mais pour éviter une thésaurisation massive, elle est devenue plus silencieuse en attendant le scriptural total. Est-ce un financement d’activité illicite ? Une prise en otage des clients bancaires ? Les clients laisseront-ils ses prélèvements sur leurs dépôts faire partie de leur quotidien ? Les articles parlent d’une mise en place de la fin de la monnaie fiduciaire pour 2022, les réponses seront probablement connues à ce moment.[11] Un discours officiel de la Deutsche Bank est assez clair sur la volonté sur le sujet.[12]
Encore une fois, on ne peut séparer le mot « crise économique » de celui de dette. Pour rappel, la dette française n’est pas détenue par la France mais par la BCE, la zone euro possède une monnaie commune, mais chaque pays reste souverain sur sa dette, en d’autres mots, la dette française reste la dette française, elle n’est pas mutualisée dans la zone euro. En réalité la France emprunte à une banque française, qui elle-même se fait racheter (obligatoirement), le titre de créance par la BCE, moyennant un sus qui compense le manque à gagner de la banque qui a prêté initialement à l’état Français. Le statut de la France est problématique car même si l’endettement est important, ce n’est pas tant le montant (environ 100% du PIB) qui est problématique mais le fait que la dette française n’est plus française, elle est détenue par la banque européenne sur laquelle la France n’a aucune souveraineté. SI nous comparons notre contexte à celui du Japon (endetté 2x plus que nous environ 250% du PIB japonais), la dette est détenue à prêt de 95% par des japonais. Le Japon est donc propriétaire de sa propre dette. Il n’y a aucune diffusion dans la souveraineté. L’Italie est un bon exemple aussi, même si le contexte italien est plus problématique, les italiens possèdent 2/3 de leur dette. En France la décision prise fut différente, la dette fut vendue à des banques privées qui l’ont à leur tour vendu à des non-résidents français, diluant ainsi la dette française dans l’économie mondiale (détenue au 2/3 par des non-résidents français).
Ajoutée au récent scandale du FinCEN Files, la problématique structurelle de la dette et l’épée de Damoclès d’une crise financière laisse perplexe la pérennité de notre société actuelle. La hausse des transactions sur l’or, le franc suisse et le pétrole reste significative d’une tension réelle des marchés.
L.KOLODZIEJCZAK
[1] https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/deutsche-bank-ecope-d-une-nouvelle-amende-1093324.html
[2] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/29/jpmorgan-va-payer-une-amende-de-920-millions-de-dollars-pour-manipulation-des-marches_6054115_3234.html
[3] https://www.franceinter.fr/justice/fincen-files-quand-les-grandes-banques-mondiales-font-semblant-de-lutter-contre-le-blanchiment
[4] https://www.bbc.com/news/world-middle-east-54235202
[5] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/1mdb-lhomme-cle-du-scandale-passe-un-accord-a-700-millions-de-dollars-aux-etats-unis-1144511
[6] https://www.reuters.com/article/us-malaysia-politics-1mdb-goldmansachs-idUSKCN24P14L
[7] http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/breve/fincen-files-france-peu-concernee
[8] http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/dossier/grand-examen-auquel-se-prepare-france
[9] https://www.boursorama.com/patrimoine/actualites/les-banques-francaises-vont-elles-bientot-facturer-les-depots-a-leurs-clients-028ee86214bbabcb5c1cb2f1c5d8f3d7
[10] https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/26/les-banques-francaises-se-retiennent-de-facturer-les-depots-des-particuliers_6013121_3234.html
[11] https://www.lci.fr/population/la-suppression-de-l-argent-liquide-est-elle-actee-pour-2022-2145998.html
[12] https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Deutsche-Bundesbank-Dis-cours-tenu-a-l-oc-ca-sion-de-la-confe-rence-vir-tuelle-d-au-tomne-de-la-Bu–31315861/
[1] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/nbsp-fincen-files-nbsp-de-grandes-banques-mises-en-cause-dans-la-circulation-d-argent-sale-20200921