LES BANQUES CENTRALES A LA CONQUÊTE DU DIGITAL
L’institution nationale l’a annoncé, un appel à projets va être lancé en ce début d’année afin de développer la première monnaie digitale de banque centrale (aussi connue sous « MDBC »).
Cette nouvelle monnaie de « e-euro » devrait être proposée dans un premier temps aux grandes entreprises sur la base de grosses transactions et devrait répondre directement à l’annonce de lancement de la Libra ; victime de nombreuses critiques en France.
La France à l’origine de la première MDBC
L’annonce de lancement de la Libra avait provoqué une vague d’inquiétudes auprès des acteurs bancaires et autres autorités de régulation européenne. Nombreux sont les acteurs ayant alors soulevé la remise en question de la souveraineté des Etats, la France en tête après avoir largement ralenti le projet de cryptomonnaie de Facebook. L’actuel ministre français de l’économie l’avait annoncé, le manque de régulations entourant l’arrivée d’une telle cryptomonnaie relève d’un véritable défi pour les différents gouvernements européens et suscite de nombreuses interrogations.
A la différence des nombreuses cryptomonnaies présentes sur le marché, celle proposée par la Banque de France pourrait directement être gérée conjointement avec l’état. L’association de ces nouvelles technologies et des capacités gouvernementales ferait de cet e-euro l’une des devises les plus suivies, transparente et tournée vers les utilisateurs finaux. Ces différentes possibilités laissent ainsi la porte ouverte à la numérisation progressive des monnaies et donc au lancement prochain d’une première MDBC, monnaie digitale de banque centrale.
A ce jour, la Banque de France n’a cependant fait aucune annonce par la voix de son gouverneur sur la manière dont serait développée cette nouvelle monnaie virtuelle. Aux vues des annonces du ministère de l’économie, on peut aisément supposer que le cours de cette devise sera directement indexé sur le cours de la monnaie physique qu’est l’Euro en faisant de facto une « stablecoin ». Le projet devrait être dans un premier temps réservé aux institutions financières et développé en accord avec les réglementations dictées par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
La Banque de France n’a cependant pas encore arrêté son choix quant à la technologie à utiliser, bien qu’il pourrait s’agir à priori d’une une monnaie virtuelle dont le cours est totalement indexé à la valeur d’une monnaie physique, en l’occurrence l’euro. On pense donc aisément à la technologie blockchain, née il y a plus de dix ans avec le Bitcoin. A noter aussi que la Banque de France n’est pas à son coup d’essai en matière d’innovation. En effet, elle a été la première banque centrale à mettre en oeuvre une solution Blockchain, à usage principalement interbancaire, réservé au traitement des identifiants de créanciers SEPA (projet MADRE).
Dans les prochains mois, quelques rencontres devraient donc être organisées avec certains spécialistes privés des monnaies numériques, encadrées notamment par l’entité « intrepreneuriale » de la Banque de France. A terme, on peut supposer que cette organisation interne se dote d’une infrastructure spécifique entièrement dédiée à la mise en mise en place des infrastructures et du développement de l’innovation. En somme, une entité semi-indépendante devrait prochainement voir le jour afin de coordonner l’ensemble du projet et assurer la stabilité de l’opération.
Un possible projet européen
La banque centrale s’est aussi accordée sur son souhait développer une monnaie européenne intégralement digitale, soit une nouvelle devise reposant sur le système de blockchain. Ce nouvel acteur digital devrait ainsi permettre à l’Union Européenne de disposer d’un certain pouvoir face aux nombreuses initiatives privées. C’est donc tout l’enjeu de la démarche pour l’Europe, asseoir sa légitimité et sa souveraineté à l’échelle mondiale.
Notons aussi tout l’avantage à être le premier distributeur, d’un point de vue mondial, cela ferait de la Banque de France et possiblement l’Union Européenne, le premier distributeur d’une cryptomonnaie de banque centrale en faisant ainsi une monnaie de référence. L’union de différentes banques centrales pourrait à en croire certains spécialistes, diminuer l’influence du dollar pesant sur l’ensemble des échanges commerciaux mondiaux. Du point de vue purement pratique, la tendance est à la baisse de l’utilisation des espèces et cet e-euro pourrait aisément être une réponse à ce nouveau courant.
A l’échelle du système monétaire et financier européen, la création d’une monnaie digitale appuyée sur une banque centrale, est un donc enjeu majeur. Cette possibilité à saisir, est l’occasion pour ces institutions historiques de s’engouffrer dans le digital, à l’heure des innovations incessantes et de l’accélération technologique. Evoquée au plus haut sommet de la banque centrale européenne, l’initiative de création de cette nouvelle crypto-monnaie semble séduire de plus en plus et pourrait être largement appuyée par l’Eurosystème.
Cependant, une analyse approfondie de son fonctionnement est nécessaire afin d’assurer la stabilité financière de ce nouveau produit. Une question d’enjeu de souveraineté se pose évidemment et les risques pris pourraient s’avérer importants. Se posent naturellement les questions de liquidité, de désintermédiation financière ou encore d’approvisionnement ; les récentes réglementations de type RGPD pourraient également être mises à l’épreuve. En somme, un vaste chantier d’analyses méthodiques s’annonce afin d’offrir les meilleures dispositions aux premiers utilisateurs, tout en évitant les possibles risques de blanchiment et d’optimisation.
Pour l’Union Européenne se pose cependant la question de la distribution, du statut ou encore des conditions de change à destination des utilisateurs. Certaines pistes sont discutées à ce jour comme la mise en place de partenariats spécifiques avec certains intermédiaires financiers, ou encore l’instauration de seuils transactionnels comme on le retrouve d’ores et déjà pour les paiements sans contact ou les portemonnaies électroniques…
L’E-Euro, une nouvelle arme face au dollar ?
Lors de l’annonce du lancement de la Libra, Facebook avait fait l’objet de vives critiques de la part de nombreux gouvernements européens, craignant notamment une attaque directe de leur souveraineté financière. Après de nombreuses négociations, il semblerait que la firme américaine ait pris du recul quant à ses ambitions à la suite des retraits d’entreprises partenaires et les inquiétudes gouvernementales.
Laissant place à la concurrence, la société américaine JP Morgan avait aussi rapidement annoncé le lancement de sa devise numérique (JPM Coin), reposant sur le dollar et bénéficiant de la stabilité monétaire d’investisseurs institutionnels et professionnels. Encouragée par les institutions américaines, celle-ci pourrait devenir une forme d’étendard à l’échelle nationale. Dans la continuité logique, l’Europe a donc annoncé souhaiter soutenir la Banque de France dans le lancement de nouvel euro numérique. Tout comme le JPM Coin, l’UE souhaite donc ouvrir le service aux institutions puis aux particuliers dans un second temps.
Au-delà de l’affrontement bancaire annoncé entre vieux continent et les Amériques, la mise en place de ces monnaies numériques à l’échelle nationale devrait profiter au plus grand nombre. Appliquée au système blockchain et à l’échelle d’associations gouvernementales, les spécialistes sont unanimes quant aux futurs bénéfices : amélioration de l’efficacité bancaire, réduction des coûts ou encore facilité des transactions entre devises.
Les grandes banques ne sont cependant pas les seules à se lancer puisque nombre d’entreprises diverses y voient l’occasion d’une démonstration de force technologique, comme notamment Amazon et multiplient les lancements de projets. Face à l’accumulation d’interlocuteurs étatiques et de soutiens privés, les pays émergents ont aussi présenté le futur développement de cryptomonnaies, le e-yuan faisant figure de proue. A l’heure du digital, chacun semble vouloir tirer son épingle du jeu et révolutionner la monnaie dite liquide.
Compte tenu des nombreuses évolutions digitales et de la démultiplication de crypto-devises, l’Europe aurait alors tout intérêt de se lancer au côté de la France et soutenir la création d’une cryptomonnaie européenne afin de faire face aux autres acteurs financiers et gouvernementaux.
Roxane B.