Plans économiques de la zone Euro

Plans économiques de la zone Euro

Malgré les nouvelles inquiétudes autour de la Grèce, un léger vent d’optimisme souffle sur l’Europe après sept ans de crise. Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), les indicateurs avancés montrent les premiers signes d’une inflexion positive de la croissance en zone Euro. Grâce aux différentes politiques monétaires, fiscales et structurelles mises en place, l’Europe veut se donner les moyens de relancer la croissance du Vieux Continent. Les freins à la relance économique sont encore nombreux et le piège de la déflation guette l’Europe. Entre signes de reprise et incertitudes, l’Europe est à une étape clé de sa construction.

Les éléments de la relance…

En ce début d’année 2015, l’Europe a le sentiment que le plus dur de la crise est passé, en particulier depuis que la Commission européenne a revu à la hausse ses prévisions économiques. Bruxelles table désormais sur une croissance de 1,7% dans l’Union Européenne (UE) et 1,3% dans la zone Euro pour 2015. En novembre 2014, elle misait respectivement sur 1,5% et 1,1% seulement. Une conjonction de facteurs favorables à la croissance s’est mise en place. Tout d’abord la chute des cours du pétrole et de l’euro (respectivement -30% et -15% depuis l’été dernier) apportera 1% de croissance à la zone Euro entre 2015 et 2016. Autre facteur positif : l’assouplissement monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE). Le 22 janvier, après des semaines de rumeurs, celle-ci s’est lancée dans des rachats massifs de dette publique dans le but de baisser le coût des outils de financement à la disposition des entreprises.

Ce plan inédit en Europe prévoit le rachat de 60 milliards d’euros de dette chaque mois. Étalé sur dix-huit mois, jusqu’en septembre 2016, le programme pèse au total plus de 1 000 milliards d’euros. Censée contrer un niveau d’inflation jugé extrêmement bas par la BCE (-0,2% en décembre 2014), cette décision, bien qu’attendue, a été globalement applaudie par le marché et les économistes. S’ajoute à cela le desserrement des politiques d’austérité dans la plupart des pays périphériques de la zone Euro (notamment en Espagne et en Irlande) censé stimuler leurs demandes intérieures. L’Europe profitera aussi des effets du plan d’investissement de 315 milliards d’euros lancé par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission. Le but consiste à débloquer des projets d’investissement ou des financements de PME victimes du manque d’appétit pour le risque des investisseurs, principalement dans l’énergie et le numérique. Le capital serait ouvert aux états membres et à d’autres banques d’investissement ou commerciales. La Commission a précisé qu’un éventuel apport en capital dans la structure serait comptabilisé comme une dépense budgétaire mais qu’il serait tenu compte de la nature de l’investissement dans le cadre de la flexibilité des règles budgétaires. Cette mesure devrait inciter les états membres à l’investissement sans mettre en danger la notation de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et sans modifier les perspectives financières, ni les règles du pacte de stabilité.

… soumis à de nombreux obstacles

L’Europe veut croire à la reprise qui s’amorce, mais de nombreux obstacles perdurent. Après la récente victoire de Syriza aux élections législatives grecques, ce parti de gauche radicale antiaustérité fait revenir l’idée du « Grexit » et les craintes des conséquences économiques pour la zone Euro. Malgré les tensions montantes, un accord devrait être trouvé entre la Grèce et ses créditeurs. Le compromis devrait comprendre une extension de maturité, des taux plus avantageux, un assouplissement fiscal et des réformes structurelles. Les récentes inquiétudes autour du cas grec devraient cependant être différentes de la situation de 2008 : les banques européennes ont réduit leur exposition à la Grèce et l’Europe s’est dotée de mécanismes garantissant une certaine stabilité en cas de faillite d’un de ses membres. La dette grecque qui est restée extrêmement lourde (175% du PIB du pays, soit 320 milliards d’euros) est détenue à 70% par des organismes publics : le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) qui détient 142 milliards, les pays européens qui ont accordé des crédits directs et détiennent 53 milliards, et le FMI qui a prêté 32 milliards. Reste qu’à court terme, même après un compromis, les risques politiques et les tensions diplomatiques génèreront une certaine volatilité sur les marchés. Le plan Juncker, évoqué précédemment, est censé relancer les investissements de l’Europe sans creuser ses déficits. Mais ce plan suscite des questions sur son architecture et son financement. Sur les 315 milliards investis sur trois ans, seulement 2 milliards de fonds publics y seront consacrés en provenance du budget européen (sur les 8 milliards prévus, 6 milliards étaient déjà budgétisés dans des programmes de recherche européens). Un montant sous forme de garantie, et qui comptera double (16 milliards) en raison de la qualité de la signature. La BEI doit de son côté apporter 5 milliards. À partir de là, la commission Juncker parie sur un effet de levier de 15. L’Union Européenne va investir cet argent dans un nouveau fonds d’investissement, le Fonds Européen pour les Investissements Stratégiques (FEIS). Comme une banque, ce fonds pourra prêter davantage qu’il ne possède dans ses fonds propres (trois fois plus) aux investisseurs privés souhaitant investir dans l’un des projets européens sélectionnés. La commission parie sur le fait que ce montage rassurera les investisseurs et qu’ils ne se contenteraient pas d’investir le montant qu’ils ont emprunté, mais environ cinq fois plus. Ainsi, avec 21 milliards d’euros versés dans le fonds, 63 milliards de prêts seraient consentis cette année. Ces 63 milliards d’euros multipliés par cinq amènent à un investissement final de 315 milliards dans les projets ciblés. L’agence Standard & Poor’s a critiqué ce plan craignant qu’il n’attire pas suffisamment de capital, et qu’il peine à convaincre que ces investissements relanceront la croissance. Bien que le marché ait salué la décision de la BCE de se lancer dans un Quantitative Easing, pour ses détracteurs, dont l’Allemagne, la mesure est inutile voire nuisible car elle favorise surtout la spéculation. La faiblesse du crédit aux entreprises s’expliquerait avant tout par l’atonie de la demande en Europe, un problème de fond auquel les États devraient répondre par des réformes structurelles.

 L’Union Européenne va créer un nouveau fonds pour les investissements stratégiques

Les établissements bancaires ne souffrent pas d’un manque de liquidités (comme cela pouvait être le cas au début de la crise de l’euro), ils se financent à des taux historiquement bas et bénéficient des programmes de Long Term Refinancing Operations (LTRO). Le secteur bancaire étant avant tout préoccupé par des questions de rentabilité et de solvabilité, le risque serait donc de provoquer une augmentation de la formation de bulles spéculatives et des investissements hasardeux.

Les chantiers de la zone Euro en 2015

Les Européens considérant que le plan d’investissement ne sera pas suffisant pour relancer la croissance et l’emploi en Europe, doivent progresser dans l’intégration économique européenne. Le conseil doit demander cette année à la Commission de proposer un « paquet énergie » destiné à rendre l’Europe plus autonome et la mise en place d’un marché unique du numérique européen. Les Vingt-Huit devraient aussi lancer un appel pour qu’un accord de libre-échange avec les États-Unis (le TTIP) se conclue avant fin 2015. Les Européens aimeraient relancer des négociations en panne et devenues très impopulaires dans nombre de pays européens, à commencer par l’Allemagne. Cet accord constituerait néanmoins un enjeu géopolitique important dans un contexte de tensions diplomatiques avec la Russie. Après les révélations LuxLeaks et SwissLeaks, il était difficile pour les États européens de ne pas mettre ces sujets à l’agenda du conseil. Ces enquêtes ont révélé l’existence d’un système mis en place au Luxembourg pour attirer les multinationales en leur permettant d’échapper largement à l’impôt, ainsi que celle d’un système international de fraude fiscale pour les plus fortunés, opéré et encouragé par plusieurs banques basées en Suisse. Le besoin est urgent de lutter contre l’évasion fiscale, mais une meilleure régulation sera difficile à imposer en Europe. Les conclusions du conseil ne devraient mentionner que la nécessité d’avancer sur la transparence des rulings (les accords signés entre les fiscs et les entreprises). Des pays comme l’Irlande, le Royaume-Uni ou Chypre sont toujours opposés à un consensus sur l’harmonisation des bases fiscales de l’impôt sur les sociétés.

Après des années de déception sur le plan économique, les européens ont fini par intégrer que la reprise serait lente et fragile. Il faudra des années pour effacer les séquelles du chômage de masse (11,4%) et pour alléger le poids des dettes. Avec les différents plans menés conjointement par la BCE et la Commission européenne, et certaines bonnes surprises comme la baisse des cours du pétrole, états et entreprises peuvent travailler à la construction d’une croissance solide.

Frédéric EUDES

Pôle Suivi et Gestion des risques

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