
CMG Conseil analyse l’actualité économique des 6 derniers mois. La vérité des chiffres, la véracité des faits permettent d’avoir un panorama de l’économie américaine et européenne.
Analyse des taux de change et rendement à 10 ans
Le dollar a continué de se déprécier vis-à-vis des devises principales ces dernières semaines, dans un contexte où les réformes dans le domaine de la santé et de la fiscalité sont au point mort aux États-Unis, ceci ayant des implications de marché considérables.
Forex
Alors qu’en début d’année nombre d’économistes prédisaient que 2017 serait l’année du dollar fort, c’est désormais la hausse de l’euro que la planète finance scrute avec attention. Le consensus s’est inversé. Vendredi 21 juillet, au lendemain de la réunion de la Banque Centrale Européenne (BCE), il avait grimpé à 1,1683 dollar, son niveau le plus élevé depuis la fin août 2015. Depuis le début de l’année, la hausse est de plus de 10 % face à la monnaie américaine, de 5 % face au yen japonais et de 4,5 % face à la livre sterling.
La force de l’euro est en partie le reflet de la faiblesse du dollar, affecté par les perspectives plus ternes de l’économie américaine. L’élection de Donald Trump, en novembre 2016, avait euphorisé les marchés, électrisés par ses promesses de baisses d’impôt et d’investissements massifs dans les infrastructures. Mais, un semestre plus tard, ces engagements de campagne restent lettre morte. Par ailleurs, nul n’attend une avancée rapide du Congrès après le camouflet essuyé par le président sur la réforme de la santé, dont le bien-fondé a échoué à convaincre un Sénat à majorité républicaine.
Taux de rendement
Cette dépréciation du dollar a contribué à alimenter la hausse des actifs émergents – actions et obligations – dans la mesure où l’appréciation des monnaies locales (par rapport au dollar) a des effets désinflationnistes qui donnent des marges d’assouplissement monétaire. Au cours des dernières semaines, l’Afrique du Sud, la Colombie, le Brésil et l’Inde ont baissé leurs taux directeurs, parfois de façon importante. Sur la zone, notons l’envolée significative des taux de rendements à 10 ans de la Grèce et du Portugal. La Grèce, sur ce semestre, a fait l’objet d’un rapport confidentiel du FMI qui a été ébruité. Il semblerait que l’on parle d’une situation « explosive » de la dette grecque, pointant les besoins de financement énormes à venir. Ainsi le pays pourrait voir sa dette atteindre 275% du PIB en 2060, faute d’allègement.
Focus sur les indices boursiers
Malgré les péripéties de nature politique aux États-Unis notamment vis-à-vis de l’abrogation ratée de l’Obamacare, les bons résultats publiés par les entreprises au titre des deux premiers trimestres ont permis aux investisseurs d’ignorer ces événements. Ainsi le S&P500 affiche une progression mensuelle de 1,9%, soutenue par les résultats du secteur de la technologie qui ont largement dépassé les attentes des analystes financiers en termes de chiffre d’affaires et de bénéfices. Cependant, la politique budgétaire des États-Unis qui sera moins expansionniste que prévu a conduit le Fonds Monétaire International (FMI) à réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis, à + 2,1 % cette année et l’an prochain ; très en-deçà des paris du gouvernement américain.
Concernant la zone Euro, l’incertitude politique est restée un motif de préoccupation pour les investisseurs avec les élections du printemps en France et de l’automne en Allemagne, après les inquiétudes suscitées par l’Italie, sans parler du processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE, qui se prolongera au-delà de 2017. Ici aussi, malgré ce contexte peu encourageant, des enquêtes ont montré que les prévisions des investisseurs ont peu varié depuis celle menée en octobre. Alors qu’avant le scrutin américain, la plupart des analystes s’attendaient à voir les marchés souffrir d’une éventuelle victoire de Donald Trump aux États-Unis, celle-ci s’est traduite par une révision à la hausse des anticipations de croissance et d’inflation, ce qui a profité aux valeurs cycliques. Notons enfin que la zone Euro ne peut plus compter sur le plan de rachat d’actifs de la Banque Centrale Européenne (« Quantitative easing ») pour booster sa croissance. Celui-ci n’a désormais plus qu’un effet positif sur l’inflation, effet tout du moins rassurant après avoir frôlé la déflation pendant plusieurs années.
Matières premières
Alors même que l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) avait décidé de réduire la production de 1,2 million de barils par jour de janvier à juin 2017 suite à la réunion conduite à Vienne fin novembre 2016 pour soutenir les cours de l’or noir, les prix ont chuté de 14,8% depuis le 23 février dernier. Le baril de « WTI Crude Oil » est alors passé de 54,35 à 46,30 dollars. Selon les analyses de l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA), les facteurs expliquant cette tendance baissière sont d’un côté, une réduction de la croissance de la demande, provenant principalement de la Chine et de l’Europe ; de l’autre, une offre abondante. En Chine, par exemple, les ventes de voitures ont baissé de 2,2% par rapport à l’année précédente, entraînant une baisse de la demande en essence. En Europe, la demande a surtout chuté en Italie, en Espagne, en Allemagne et en France. La France affichant la plus forte baisse en Europe – 3,7% par rapport à avril 2017, essentiellement expliquée par la baisse de la demande de diesel. Mais cette tendance baissière est principalement liée à l’abondance de l’offre liée à une production américaine très soutenue et, dans une moindre mesure, à la surproduction en Libye et au Nigéria. Dans son « Oil Market Report » du 14 juin 2017, l’IEA revient sur la situation nord-américaine : l’Agence prévoit en effet que la production de pétrole brut américain pour la fin 2017 dépasse celle de 2016 et qu’au regard des premières estimations, celle de 2018 augmente encore, compte tenu du dynamisme et de la diversité de l’industrie pétrolière américaine.
Par ailleurs, l’élection de Donald Trump, sceptique à l’égard du réchauffement climatique et acteur du retrait de Washington de l’Accord de Paris, encourage l’industrie pétrolière à se développer encore davantage, notamment grâce à l’exploitation des pétrole et gaz de schiste mais aussi par son approbation du permis de construire relatif à la phase IV du projet « Keystone XL », cet oléoduc géant et très controversé reliant le Canada (Alberta) aux États-Unis (Nebraska).
Un autre fait marquant est à prendre en compte : le retour sur la scène internationale de la Libye et du Nigéria qui contribuent à une surabondance de l’offre. Touchés par la guerre civile ou les attaques des rebelles, ces membres de l’OPEP n’ont pas été soumis à la limitation de production. La production de la Libye est ainsi à son plus haut niveau depuis 2014 ; les exportations du Nigéria sont pour leur part à leur plus haut niveau depuis 17 mois.
A juin 2017, 11 des 14 pays membres de l’OPEP concernés par la réduction de production ont atteint une baisse de 1,13 million de barils ; un résultat en dessous des 1,2 million de barils prévus, le Qatar, l’Irak et les Émirats Arabes Unis ne s’étant pas conformés à la réduction qui leur incombait. Les perspectives pour fin 2017 et début 2018 dépendent donc du respect des engagements pris par les pays producteurs.
Outre le fait que l’OPEP et la Russie ont décidé de réduire la production de 1,8 million de barils/jour jusqu’à fin mars 2018, il faudra aussi prendre en considération les incertitudes géopolitiques qui touchent particulièrement le Venezuela, la Libye, le Nigéria et aujourd’hui le Qatar, frappés par des sanctions diplomatiques annoncées de la part de l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn et le Yémen. Enfin, sans changement notable américain, il y a peu de chances de voir un rééquilibrage du marché pétrolier à court terme.
Mathieu C.