Véronique Lamblé (CMG Conseil) : « Avec le 100% Santé, les hausses de tarifs seront lissées dans les portefeuilles »

Véronique Lamblé (CMG Conseil) : « Avec le 100% Santé, les hausses de tarifs seront lissées dans les portefeuilles »

Découvrez l’interview de notre collaboratrice Véronique Lamblé par l’Argus de l’Assurance :

« La mise en œuvre du 100 % Santé devrait renforcer la pression sur les marges des organismes de complémentaire santé et entraîner des hausses tarifaires sur les portefeuilles. Éléments d’explications avec Véronique Lamblé.

L’Argus de l’assurance : L’impact du 100 % Santé a-t-il été bien tarifé par les complémentaires santé ?

Véronique Lamblé : Au départ, l’équation paraît simple à résoudre, si l’on part du principe qu’il suffit d’ajuster la tarification des contrats sur la base du changement de coût de la consommation actuelle des postes inclus dans le 100 % Santé. Cette méthode pose néanmoins un problème, celui de ne pas tenir compte du nombre de particuliers renonçant aux soins pour des raisons de restes à charge élevés et qui seront plus enclins à se soigner. Les assureurs connaissent mal cette population et vont devoir modéliser ce comportement. Au-delà, nul ne sait si les professionnels de santé vont jouer le jeu et ne préféreront pas préconiser des produits plus chers, hors 100 % Santé, au risque de rendre la réforme peu lisible pour les assurés.

Comment les hausses éventuelles de cotisations peuvent-elles s’appliquer ?

Beaucoup d’organismes n’ont pas pu impacter directement le vrai coût du 100 % Santé, notamment en raison de la multiplicité de leurs gammes de produits. Lorsque celles-ci sont limitées, une tarification au plus juste reste possible. En revanche, lorsque les offres sont multiples tous les calculs n’ont pas forcément été réalisés. Je pense notamment à certaines mutuelles de taille modeste qui, par le jeu des fusions, peuvent gérer un nombre de gammes totalement improbables, parfois jusqu’à 250. À ce niveau, les tarifs ont été établis sur quelques gammes puis ont été appliqués sur les autres à partir d’hypothèses. Quant aux grosses compagnies qui ont des gammes étendues, elles rencontrent des problèmes similaires, avec un travail de tarification qui n’a pas été finalisé par manque de temps.

De plus, lorsque la tarification a été correctement réalisée, les organismes d’assurance peuvent se trouver confrontés à des hausses de tarifs importantes, notamment sur les complémentaires bon marché qui ne remboursent que le ticket modérateur. Tout à coup, la prise en charge du 100 % Santé sur certains postes en optique, audioprothèse et dentaire conduit à des hausses à deux chiffres insupportables pour les assurés. Dès lors, les assureurs peuvent préférer augmenter le reste du portefeuille pour mutualiser le coût des gammes faibles. Celles-ci risquent ainsi d’évoluer avec des résultats techniques déconnectés de la réalité.

Quelles seront, dans ce cas, les conséquences sur le nombre de gammes ?

In fine, le 100 % Santé va gommer les différences entre les produits. Les assurés seront enclins à souscrire des gammes similaires et moins onéreuses au sein même des organismes, entraînant une cannibalisation intergammes, ou bien d’aller vers des organismes différents. La grille de lisibilité qui se met en place sous l’égide de l’Unocam (Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire) va favoriser ce processus.

Certains opérateurs communiquent sur une absence de hausse tarifaire malgré le 100 % Santé. Qu’en pensez-vous ?

Cette affirmation n’a guère de signification, sachant que beaucoup d’organismes assureurs n’ont pas de résultats techniques ou de gestion importants, la santé n’étant pas un risque sur lequel les marges sont élevées. Je constate que certains assureurs ont pris le parti d’augmenter faiblement leurs cotisations, parce que leurs résultats le permettent, et que d’autres ont choisi de procéder à des augmentations ciblées sur une partie de leur portefeuille, par exemple sur les contrats individuels des séniors. Des augmentations de l’ordre de 14 % peuvent toucher certains portefeuilles, ce qui sera peut-être difficile à justifier.

Par ailleurs, comme au moment de la mise en place de la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés, des francs-tireurs arrivent sur le marché en proposant de la complémentaire santé avec le 100 % Santé à 24 € par mois, ce qui est techniquement impossible, sauf à acheter des parts de marché et à rentrer des pertes, quitte à faire le tri après, en procédant à des augmentations sur la durée. Dire qu’il n’y aura pas d’augmentation ou faire du dumping sur les tarifs revient au même. Il y aura des hausses tarifaires sur les portefeuilles, mais qui seront tout simplement lissées.

Les réformes de la résiliation infra-annuelle et de la CMU Solidaire pourront-elles aussi avoir des effets sur les tarifs ?

Les deux réformes vont soutenir les mouvements de produits. La résiliation infra-annuelle, tel est son objectif, va permettre de changer immédiatement d’organismes assureurs après avoir réalisé les comparaisons entre les produits. La création de la CMU Solidaire, par la fusion de la CMU-C et de l’ACS, peut, de son côté, contribuer à déstabiliser quelque peu le marché dans la mesure où les bénéficiaires pourront choisir d’être gérés, soit par leur assureur complémentaire, soit par l’Assurance maladie.

Beaucoup d’assurés risquent de préférer cette seconde option pour des raisons de simplicité de remboursements afin de ne plus avoir à supporter certains dysfonctionnements de Noemie. En perdant une partie des produits sous la pression de la concurrence mais aussi au travers d’une migration vers l’Assurance maladie, les assureurs subiront une baisse de leurs revenus liée aux frais de gestion, eux-mêmes appliqués sur les cotisations, et donc une pression sur leurs marges. Voilà pourquoi les organismes doivent impérativement mettre en place un outil de modélisation de suivi des marges techniques et de gestion sur plusieurs années, pour éviter des réveils douloureux. »

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