Les courtiers en ligne : Combattants de la démocratie boursière ou nouveau jeu de casino

Les courtiers en ligne : Combattants de la démocratie boursière ou nouveau jeu de casino

Début 2021, la bourse américaine a connu un phénomène extraordinaire : le cours de GameStop a grimpé de plus de 1600% en trois semaines. C’est la guerre boursière lancée par une communauté sur le forum WallstreetBets qui est à l’origine d’achats massifs, contre les fonds spéculatifs de Wall Street qui ont positionné à découvert jusqu’à 140% du total des actions GameStop. Cette bataille a coûté très cher à ces fonds.

 

Source : finance.Yahoo.com

Comment ces investisseurs particuliers ont pu faire trembler les grands hedges funds de Wall Street ? Les courtiers en ligne, qui ont réussi à supprimer la barrière d’entrée à la bourse, ont joué un rôle clé dans cette bataille.

L’acteur majeur est sans doute Robinhood le courtier en ligne le plus connu. C’est une application de trading, créée par deux jeunes entrepreneurs qui avaient travaillé pour les sociétés de trading à haute fréquence à New York. L’entreprise connait un grand succès depuis quelques années, très populaire auprès des jeunes pour sa gratuité des opérations de bourse. Zéro commissions de transaction, sans minimum de dépôt demandé avec la possibilité d’acheter l’action en petit morceau, Robinhood a incontestablement bouleversé le monde de brokerage.

Un plateforme qui supprime la barrière d’entrée en bourse.

Zéro commission.

Les courtiers traditionnels facturent des frais de courtage fixes ou proportionnels sur chaque transaction. Les investisseurs qui ne disposent pas de fonds importants doivent accepter de payer au moins 5 dollars pour une moindre opération de 100 dollars. Qui plus est, un minimum de dépôt est souvent demandé pour l’ouverture d’un compte de trading. Ces conditions ferment la porte aux petits investisseurs, que Robinhood accueille à bras ouverts. Ils ne paient plus de frais de courtage pour toute transaction d’action, d’ETF et de Cryptomonnaie, via la plateforme de Robinhood.

Comment Robinhood survit ? Les grands courtiers traditionnels acheminent les ordres des clients aux places de bourse comme NYSE, NASDAQ pour exécuter les transactions des clients et perçoivent des commissions dites « rebates ». Sans passer par ce chemin, Robinhood envoie ces flux d’ordre directement aux « Market Makers », notamment des sociétés de trading à haute fréquence, qui sont en concurrence avec les places de bourse, et donc paient Robinhood une commission pour avoir le droit d’exécuter les transactions de ses clients.

Acheter des actions en fraction.

Il était impossible pour les petits investisseurs particuliers d’acheter des actions particulièrement chères, notamment des actions vedettes comme Apple, Amazon etc. Ces courtiers en ligne proposent des opérations d’actions fractionnées. Le mécanisme est de fractionner une action en petits morceau. Les transactions se réalisent en montant au libre choix et non en nombre de parts. Un trader particulier ayant 1 000 dollars de cash ne peut pas acquérir une part d’action Google, valorisée à plus de 2 000 dollars. Il aura le choix de fractionner une part d’action Google à 1% et n’investir que 200 dollars. Il est libre d’acheter des actions chères à n’importe quel budget. Le trading est accessible pour tous.

Robinhood, vrai robin des bois ?

« Il n’a y pas de repas gratuit », phrase célèbre de Milton Friedman, prix Nobel d’économie.

Ce qui est caché de la gratuité, il y a toujours quelqu’un qui paie. 70% de revenus du premier trimestre 2020 de Robinhood viennent des paiements des flux d’ordres de « Market Maker », notamment des sociétés de trading à haute fréquence, armées d’ordinateurs surpuissants et de technologies très sophistiquées, qui traitent des transactions d’une manière assez opaque. Quand on parle de la vente des flux d’ordres, cela reste assez ambigus. Concrètement, quand un courtier ne reçoit pas de rémunération de son client mais d’un tiers qui veut influencer la manière dont le courtier envoie les ordres en vue de leurs exécutions, cela engendre un conflit d’intérêt.

Quid des données personnelles des utilisateurs ? Ces datas, étant l’or noir de l’économie numérique d’aujourd’hui, comment sont-elles traitées et utilisées ? Lorsque les utilisateurs se contentent du trading sans commission, les marchés ont déterminé un prix de la confidentialité.

La finance pour tous ? N’oublions pas les risques !

En réduisant la barrière à l’entrée, Robinhood ouvre une porte au plus grand nombre d’investisseurs, plus modestes, pour accéder à la bourse, ainsi que des produits complexes très risqués, qui étaient réservés aux institutionnels et particuliers les plus aisés, souvent les high net worth individuals. Les courtiers en ligne, comme Robinhood, changent désormais les règles du jeu. Ils ont annoncé leur objetctif : « to build a financial product that would enable everyone—not just the wealthy—access to financial markets ».

La clientèle ciblée : les investisseurs jeunes, souvent novices, qui manquent de connaissances et d’expériences sur les produits complexes multipliant les prises des risques. Certains sont prêts à perdre la somme d’argent investie, mais d’autres non. Un jeune étudiant de 20 ans a mis fin à sa vie après avoir vu un solde négatif de 730 000 dollars en achetant des produits financiers complexes et spéculatifs.

C’est évident que ce jeune trader amateur ne se rendait pas compte du niveau de complexité des produits ni les risques pris. Cette tragédie a attiré l’attention sur le risque potentiel de ce libre accès aux jeunes investisseurs non avertis et inexpérimentés. Cette start-up lancée depuis 2013, a évidemment beaucoup à faire pour protéger ses investisseurs.

Le développement technologique et les innovations apportent de nouvelles opportunités, mais aussi des nouveaux challenges. Les courtiers en ligne ont pu faire profiter ces avantages aux investisseurs et potentiels investisseurs, en réduisant la barrière d’entrée sur le marché financier. Le challenge est de trouver les produits et les services adéquats selon leurs connaissances et leurs capacités à absorber les pertes. Le challenge est aussi pour les régulateurs : face à ces nouveau membre sur le marché financier, sont-ils prêt ?

H. Qu, consultant CMG Conseil

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