
Existant depuis le 19ème siècle aux USA, et ayant connu une apogée au milieu des années 90, les obligations convertibles connaissent une croissance exponentielle depuis 2020 et notamment depuis la crise du Coronavirus.
Ce produit, dont le fonctionnement est proche d’une option, présente de nombreux avantages qui s’avèrent utiles lors des périodes troublées comme celle que nous vivons actuellement.
Les obligations convertibles sont-elles le produit miracle de la crise sanitaire ?
Une structure double et un fonctionnement proche des options
Comme son nom l’indique, une obligation convertible donne le droit d’échanger l’obligation contre un certain nombre, déterminé à l’avance, d’actions de la société émettrice. Il existe 3 possibilités de conversion :
- Européenne : Conversion à maturité,
- Américaine : Conversion à n’importe quel moment de la vie du produit,
- Bermudéenne : Conversion possible à certaines dates durant la vie du produit.
Cette première définition, nous permet de constater que le fonctionnement de base des obligations convertibles est proche des options d’achat/vente. Outre ces similarités, d’autres facteurs entrent en jeu pour comprendre le produit.
Le premier d’entre eux est l’Investment Value. C’est la partie Fixed Income du produit qui est déterminée ici, sans l’aspect convertible. Celle-ci est donc évaluée comme une obligation classique que n’importe quelle entreprise pourrait émettre, et donc son prix pourra fluctuer selon les mêmes critères. Une des caractéristiques des obligations convertibles est que leurs prix ne peut pas passer en dessous de l’Investment Value, et ce, tant que l’émetteur ne connaît pas une dégradation de sa qualité de crédit. Cet élément est crucial pour comprendre le fonctionnement de ce produit, et notamment sa qualité duale. Ainsi, cette partie obligataire assure la sécurité du produit et son intérêt par rapport à une obligation classique.
Pour compléter le pricing du produit, nous devons déterminer l’Investment Premium. Schématiquement, cela est proche du Delta d’une option d’achat/vente. Pour l’obtenir, une variation est effectuée entre le prix de marché du produit et l’Investment Value. Par exemple, si on a une obligation au pair d’une valeur de 1000€ et une Investment Value établie à 868,72€, alors la prime est de :


Une fois la partie obligataire déterminée, il nous reste à déterminer la partie Equity. Celle-ci s’exprime via la Conversion Value, où le nombre d’actions obtenues après conversion est multiplié par la valeur de marché des actions. De plus, les obligations convertibles étant plus sécuritaires et payant plus que les dividendes, l’investisseur devra verser une prime qui est déterminée comme suit :
Ainsi, si l’on suit la structure du produit, il est logique que lorsque sa valeur dépasse la mise de départ la prime diminue, laissant place aux caractéristiques des actions ordinaires. En revanche lorsque la valeur du produit diminue, le produit s’approche d’une obligation ordinaire et donc la prime de conversion augmente.
Un schéma de profit similaire à une option d’achat
La flèche présente sur le schéma permet de déterminer le prix idéal auquel l’obligation pourra être achetée. A ce prix, si l’action sous-jacente augmente, l’obligation convertible augmentera du même montant . En revanche, si elle baisse, le prix du produit ne pourra être inférieur à l’Investment Value déterminée.
Ainsi 2 scénarios possible s’offre à l’investisseur :
- Si l’enteprise émettrice affiche des bons résultats et que la valeur de l’action progresse, alors la valeur de l’obligation convertible augmente en parallèle sans qu’il soit nécessaire de la convertir.
- Si le stock a une tendance baissière, alors le porteur du produit conserve l’obligation et touche les coupons. Pour rappel, le prix du produit ne peut pas être inférieur à l’Investment Value.
Une fois le produit acheté, l’investisseur doit pouvoir établir une Fair Value. Pour cela il doit prendre en compte la valeur de l’obligation et de l’action sous-jacente, ainsi que la volatilité et de la structure des taux intérêts.
Une fois déterminée, la Fair Value est comparée au prix de marché afin de déterminer le profit qui pourra en être retiré.
Le produit de la crise sanitaire ?
Comme nous le disions plus haut, les obligations convertibles ont connu des émissions record en 2020 avec 159 milliards de dollars émis soit deux fois plus qu’en 2019. En 2021 la tendance se confirme avec déjà 99 milliards de dollars déjà émis.
Avant la crise, le marché était peu actif, contrairement aux produits High Yield ou aux Leveraged. La raison est essentiellement liée à l’absence d’inflation et aux taux d’intérêts bas. Par conséquent, les entreprises ont massivement levé des produits risqués tout en versant des taux d’intérêts plus importants afin d’attirer les investisseurs.
Mais depuis la crise du Covid-19, l’inflation est de retour et avec elle la remontée des taux d’intérêts. Il est donc plus difficile de lever de la dette. Les obligations convertibles sont donc une alternative très intéressante et le compromis en est la clé. En effet, lorsqu’une entreprise émet de la dette, les investisseurs demande un taux d’intérêts important pour se couvrir contre le risque de défaut, et en particulier dans la situation actuelle. Et lorsque la société émet de nouvelles actions celle-ci dilue sa propriété sur l’entreprise.
Ce n’est pas le cas avec les obligations convertibles. En effet, les investisseurs acceptent un taux plus faible que les produits risqués mentionnés plus haut en échange d’une action de la société émettrice.
Pour les partisans de ce produit, celui-ci réunit le meilleur des deux mondes : le Downside Mitigation via la séniorité de la dette dans la structure du capital et un potentiel de hausse important suite à une éventuelle conversion (Upside).
Ce type de produit est généralement utilisé par les entreprises très consommatrices de capitaux comme Tesla. L’entreprise a effectué une émission à plus de 2 milliards de dollars en 2014, avec une maturité en 2021. Les investisseurs ayant souscrit ont vu leur profit bondir de 800 % !
Outre le financement d’investissements, c’est un moyen de maintenir une entreprise à flot. La crise sanitaire a durement impacté les compagnies de croisières et aériennes, et l’émission d’obligations convertibles a permis de lever des fonds. L’entreprise Singapore Airlines a ainsi émis 850 MUSD d’obligations convertibles en 2020.
Le développement de ce produit permet aux investisseurs un meilleur suivi des risques et notamment le risque idiosyncratique. Cela est possible grâce à la mise sur le marché d’instrument suivant ce risque et permettant aux investisseurs de surperformer le marché.
On assiste également à la mise en place d’ETF permettant d’investir sur un grand nombre d’obligations convertibles et ainsi de faciliter le suivi du produit. Ces nouveaux instruments ouvre la voie à une multiplication des investissements, et notamment pour un asset manager en quête de rentabilité mais souhaitant limiter le risque intrinsèque lié aux actions ordinaires.
Même si c’est un produit qui peut s’avérer complexe à manier en raison de sa dualité, action et obligation, c’est cette même dualité qui en fait sa force. En effet, l’aspect obligataire assure un rendement minimum et sécurisé et l’aspect Equity permet, lorsqu’on effectue la conversion, d’obtenir un profit un important et des avantages liés à cette classe d’actif.
En ces temps troublés de crise sanitaire et économique, notamment avec le retour d’une inflation importante, ce produit pourrait connaître un développement croissant dans les années avenir.
Antoine Fillon, consultant CMG Conseil