
A l’ère digitale, dans un environnement de forte innovation, les cryptomonnaies ont émergées, comme de véritables coups de boutoir contre les monnaies étatiques. Pour faire face à ces nouvelles devises qui s’affranchissent des régulateurs, la Banque de France a piloté une expérimentation sur l’euro numérique, à des fins de règlement de bons du Trésor français.
Quelle différence entre une cryptomonnaie et une Monnaie Numérique de Banque Centrale ?
Les cryptomonnaies, comme le Bitcoin, sont des monnaies numériques émises de pair à pair : à la différence des monnaies « papier », émises par les Banques Centrales, les cryptomonnaies se basent sur un système entièrement décentralisé, basé sur une blockchain publique, ce qui implique que les Banques ne peuvent plus jouer leur rôle de régulateur.
Il suffit de regarder les fluctuations importantes de la valeur du bitcoin, les conséquences écologiques du minage ou les piratages de ces dernières années pour se convaincre qu’un tel rôle est primordial : les vols de Bitcoins, ou piratages liés à la blockchain, ont atteint le nombre record de 72 au premier trimestre 2022, en augmentation de 118% par rapport au premier trimestre 2021.
L’Euro numérique testé avec succès
Afin d’y remédier, la Banque Centrale Européenne a décidé de miser sur l’euro numérique, jugé plus sûr, parce qu’émis par une institution : “Le but de nos travaux est de veiller à ce qu’à l’ère numérique, les ménages et les entreprises aient toujours accès à la forme de monnaie la plus sûre : la monnaie de banque centrale” (Christine Lagarde, présidente de la BCE). Dans cette optique, la Banque de France a décidé de procéder à une série de tests avant de mettre cette monnaie digitale en circulation. La Banque de France tirera les enseignements de ces expérimentations en 2023, puis décidera ou non de l’accès à l’Euro numérique pour les ménages et les entreprises.
Le dernier test en date, terminé en octobre 2021, fait partie d’une opération plus vaste de la Banque de France, démarrée en mars 2020, qui vise à réaliser d’importantes opérations financières avec le concours d’un consortium d’établissements (Crédit Agricole CIB, BNP Paribas CIB, HSBC et Société Générale), dirigé par Euroclear, société internationale de dépôt et de règlement/livraison pour les obligations, actions et fonds d’investissement.
Pour ce test, la plateforme blockchain développée par IBM permet l’utilisation des dernières avancées technologiques en matière de tokenisation (la « tokenisation » est la création de la représentation numérique d’un actif sur une blockchain).
L’objectif principal de cette expérimentation menée sur le marché des obligations était d’évaluer la valeur ajoutée apportée par la technologie de la blockchain, mais également de mesurer si une grande variété d’opérations de règlement de titres était possible, tout en opérant avec l’infrastructure de marché existante. Face au succès de cette expérience, Isabelle Delorme, Deputy CEO d’Euroclear, a déclaré : « Ensemble, nous avons pu évaluer dans quelle mesure l’émission de MNBC peut permettre un règlement rapide et sécurisé des titres tokenisés. ».
Après avoir testé l’Euro numérique de gros via les échanges interbancaires au niveau européen, puis au niveau national, la Banque de France poursuit ses expérimentations : « Nous avons lancé une expérimentation d’euro numérique de détail pour les particuliers au niveau de la banque centrale européenne. On fera les bilans de cette expérimentation en 2023 » (François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France).
Grâce aux succès de ses tests dans cette course aux nouvelles technologies appliquées aux échanges financiers, la Banque de France vient d’être choisie, avec la Bundesbank allemande, pour intégrer l’Innovation Hub, le laboratoire d’innovation de la banque des règlements internationaux à l’échelle mondiale. L’Europe est malgré tout en retard par rapport à la Chine, dont les tests montent en puissance pour le yuan numérique : la Banque Centrale Chinoise a publié une version pilote d’un portefeuille numérique en e-Yuan utilisable sur smartphone.
Paul-Henri DESCHAMPS, consultant CMG Conseil