Inflation : faut-il s’inquiéter de la hausse des prix dans la zone euro ?

Inflation : faut-il s’inquiéter de la hausse des prix dans la zone euro ?

Les économies mondiales n’avaient plus connu de tels chiffres depuis des décennies. En mars 2022, le taux d’inflation dans la zone euro s’est élevé à 7,5%, du jamais vu depuis 1997, la date de création de l’office européen des statistiques Eurostat et surtout très loin de l’objectif de 2% de la BCE à moyen terme. Même constat aux Etats-Unis, où les prix à la consommation ont augmenté de 6,5% en mars 2022, un rythme que le pays n’avait plus connu depuis 1982. L’inflation particulièrement haute enregistrée en 2021 et 2022 s’explique en partie par celle, très basse, de 2020. La question est de savoir si la hausse des prix est durable, et si elle est maîtrisable. 

 

Comment mesurer l’inflation ? 

Dans une économie de marché, les prix des biens et des services varient. Certains augmentent, d’autres diminuent. On parle d’inflation lorsque les prix augmentent globalement, et non uniquement les prix de quelques biens et services. On parle également de hausse du coût de la vie, ou de baisse du pouvoir d’achat. 

Quand tel est le cas, avec le temps, chaque unité de monnaie (Euro par exemple) permet d’acheter moins de produits. Autrement dit, l’inflation érode progressivement la valeur de la monnaie. 

Les instituts statistiques se basent sur un « panier » de biens et de services consommés par les ménages et dont les composantes sont variées et touchent à tout ce qui est consommable à l’exception de quelques biens et prestations tels que les services hospitaliers privés, l’assurance-vie et les jeux de hasard.

Les prix de ces composantes permettent le calcul de l’indice du prix à la consommation ou le Consumer Index Price (CPI). Afin de donner plus de poids aux biens et services qui sont davantage consommés par les ménages, des pondérations sont appliquées aux différentes composantes du panier. Les prix de l’énergie ont ainsi plus de poids que ceux du tabac et de l’alcool (en Europe, ils représentent 17,9% du panier contre 4,3% pour le tabac et l’alcool). On parle ainsi d’inflation lorsque la moyenne de tous ces regroupements conjoncturels fait ressortir une hausse des prix. Certaines hausses peuvent être compensées par la baisse d’autres secteurs ; dans ce cas, il n’y a pas d’inflation. L’inflation est prise en compte pour calculer chaque année l’augmentation du Smic. 

Figure: Ecart annuel relatif des composantes du CPI en zone euro 

 

Quelles sont les causes de la dernière hausse des prix ? 

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que l’année 2020 a été exceptionnelle. Du fait de la crise et de l’arrêt complet de plusieurs secteurs économiques, l’inflation a été particulièrement basse. En zone euro, elle a baissé de manière drastique au deuxième trimestre 2020. On constate le même phénomène aux Etats-Unis, où les prix ont plongé de 2,5% en janvier 2020 à 0,5% en avril. 

Figure: Evolution historique du CPI en zone euro et aux Etats unis, Source OCDE. 

 

En 2021, la reprise a été rapide et surtout très forte dans pratiquement tous les secteurs économiques. Les prix du pétrole sont passés de 20 dollars le baril en avril 2020 à plus de 85 dollars en octobre 2021.  

Du fait des tensions géopolitiques et des difficultés d’approvisionnement, les cours du gaz ont aussi enregistré des hausses vertigineuses, entraînant ainsi la hausse des prix de l’électricité. 

Ces augmentations des coûts de l’énergie expliquent plus 50 % de l’inflation en 2021, comme le communique Christine Lagarde, la présidente de la BCE. 

Une autre part importante est due aux frictions persistantes sur le prix des matières premières, les capacités de production et de transport. De surcroit, La reprise économique mondiale s’est confrontée à d’importantes difficultés d’approvisionnement créant ainsi de fortes baisses de l’offre voire carrément des pénuries et donc, mécaniquement, des hausses de prix.  

Que font les banques centrales pour contrôler le taux d’inflation ? 

Pour contrôler l’inflation, les banques centrales peuvent agir sur deux leviers : le taux directeur ou la quantité de monnaie actuellement émise. Ces deux instruments sont rarement utilisés en même temps de par leurs effets croisés, car toute variation des taux entraîne une variation de la quantité de monnaie, et réciproquement. 

Le fait que l’inflation excède 3% n’est pas problématique en soi : aucune règle logique n’affirme que 3% valent systématiquement mieux pour une économie que 5% ou 7%. L’enjeu est de savoir si le phénomène est temporaire, le temps que l’économie se remette de la crise, ou non. 

Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale américaine (Fed), a cessé, à la fin de l’année 2021, de parler d’un phénomène transitoire et a annoncé qu’elle prendrait en 2022 des mesures capitales pour endiguer l’inflation, notamment en augmentant son taux directeur. 

Dans la zone euro, la BCE s’est éloignée de l’objectif strict des 2%, affirmant, à l’été 2021, qu’il n’était plus considéré comme un plafond. Elle continue de tabler sur un phénomène temporaire et un retour à la normale courant 2023. Selon elle, l’inflation ralentira si le marché de l’énergie se calme, les cours du pétrole se stabilisent et si les problèmes d’approvisionnement se résorbent. Ces facteurs sont l’un des rares sur lesquels la BCE n’a pas la main. 

En mars, la BCE a décidé d’accélérer la réduction de ses achats nets d’actifs, lancés en 2015 alors que l’inflation stagnait largement sous les 2%. Lors du Conseil des gouverneurs de mars, la BCE avait annoncé un net ralentissement des achats de titres au deuxième trimestre 2022 et un possible arrêt au troisième trimestre. Lors du Conseil d’avril, aucune décision n’a été prise de façon formelle mais la BCE a indiqué que les chiffres récents avaient renforcé l’hypothèse d’un arrêt total des achats nets de titres au troisième trimestre. Alors qu’un dilemme émanant de ce nouveau contexte (plus d’inflation, moins de croissance) aurait pu voir le jour, l’évocation d’une fin des achats de titres précisément en raison des chiffres récents révèle bien le recentrage des priorités pour la BCE : la stabilité des prix revient au centre du jeu pour les gouverneurs. 

Pour autant, des voix commencent à s’inquiéter de cette approche. Un resserrement trop rapide de la politique monétaire en zone euro, risquerait de plomber l’activité économique déjà fragilisée, a mis en garde mercredi Fabio Panetta, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE). 

Dans un discours prononcé en Italie, Fabio Panetta a fait valoir que cette flambée des prix, due en grande partie aux coûts élevés de l’énergie, échappait largement au contrôle de la BCE et qu’une intervention trop rapide de l’institution serait risquée. 

Othman Soualhine, consultant CMG Conseil

Références : 
https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/indicateur/p1653/description 
https://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/hicp/html/index.fr.html 
https://www.ecb.europa.eu/stats/macroeconomic_and_sectoral/hicp/html/index.fr.html 

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