Taux d’usure : pourquoi l’accès aux crédits se complique ?

Taux d’usure : pourquoi l’accès aux crédits se complique ?

En attendant les résultats définitifs de l’INSEE qui seront publiés prochainement, nous pouvons dire que l’année 2022 est marquée par des niveaux d’inflation record. Sur 1 an, selon l’estimation qui s’appuie sur les données provisoires de l’INSEE, les prix à la consommation ont augmenté de 4,8 % en avril 2022, alors qu’une précédente hausse de +4,5 % avait déjà eu lieu le mois précédent. Cette hausse de l’inflation est causée par plusieurs facteurs : accélération des prix des services, de l’alimentation et des produits manufacturés. Les prix de l’énergie resteraient en forte hausse sur un an.

Sans surprise, c’est dans ce contexte inflationniste que la hausse des taux de crédit se poursuit en juin. Depuis le début de l’année, la plupart des banques les ont ainsi augmentés de 0,50% à 0,75%. Ainsi de plus en plus d’emprunteurs voient leur dossier rejeté, alors qu’il y a six mois, ils auraient obtenu leurs prêts. En outre, certaines banques bloquées par le taux d’usure, commencent à être réticentes à prêter en raison de la faiblesse des marges.

Les propositions de révision du calcul du taux d’usure faites par le ministère de l’Economie, risquent d’être insuffisante. Une situation qui pénalise les entreprises, les particuliers, les petites collectivités

C’est quoi un taux d’usure ?

Le taux de l’usure correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt. Fixé à la fin de chaque trimestre pour le trimestre suivant par la Banque de France, le taux de l’usure vise à protéger les emprunteurs d’éventuels abus.

En résumé, le taux (ou le seuil) de l’usure est le taux maximal auquel un prêt peut être accordé. Il n’existe pas un, mais plusieurs taux d’usure en fonction du type de prêt : prêts immobiliers, crédit à la consommation, découverts en compte, crédit renouvelable, etc.

Rappelons que le taux d’usure « correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un crédit ». Aussi, le TAEG (taux annuel effectif global) proposé ne peut pas dépasser ce taux d’usure. Si les banquiers ne respectent pas ce plafond sachant que l’usure est une infraction d’ordre pénale, ils risquent une peine de 2 ans et/ou d’une amende de 300.000 euros (article L341-50 du Code de la consommation).

À noter : Selon le Code de la Consommation (article L314-6) : « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier… ».

Qui fixe le taux d’usure

Le taux d’usure est fixé par la Banque de France, qui est la seule entité habilitée à le faire. En effet, la Banque de France a des missions monétaires, financières et économiques. Parmi les services à l’économie, on trouve notamment la protection des ménages contre le surendettement. Intégrée à la Banque de France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) surveille l’activité des banques et des assurances.

Comment est calculé le taux d’usure

Le taux d’usure est déterminé selon 3 facteurs qui sont :

  • La catégorie de prêts
  • Le montant emprunté
  • La durée du prêt

Pour le calcul du taux d’usure la Banque de France constate les taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit. Le montant est alors augmenté d’un tiers. Par exemple, au 3e trimestre de 2022 les différents seuils des taux d’usure 2022 sont fixés en fonction du Taux Effectif Moyen au 2e trimestre 2022.

La méthode actuelle de calcul de l’usure, considérée comme désuète par certains en raison d’un décalage de trois mois, engendre un effet ciseau. L’effet ciseau est dû à la baisse des taux de l’usure et l’augmentation substantielle des taux d’emprunt qui créer un écart qui prend de l’ampleur et écartent de candidats à l’emprunt.

Quels avantages au taux d’usure ?

  • Un seuil de protection applicable aux crédits
  • Un moyen de paiement pour les opérations et prélèvements
  • Un acquittement des frais de dossier

Pourquoi le Taux d’usure pose un problème dans un contexte économique difficile ?

Depuis juin 2022, malgré la remontée des taux d’usure, l’accès au crédit immobilier se complique de plus en plus.

Actuellement, ce taux devient plus préjudiciable à l’emprunteur qu’il ne le protège, car il exclut certains profils de l’accession à la propriété. Par exemple :

  • Les séniors et personnes ayant de gros problèmes de santé (emprunteurs « à risque »), peuvent être exclus de tout crédit immobilier à la suite de surprimes d’assurances qui plombent le TAEG.
  • Les personnes aux revenus modestes, à qui les établissements de crédit proposent des taux moins attractifs

De plus, l’ensemble des frais ( frais de notaire, les frais de dossier de la banque, le coût de l’assurance, les frais de garanties et les frais de courtage) sont à la charge des emprunteurs. Ceci augmente de façon mécanique le TAEG et ce qui augmente le risque de dépassement du taux d’usure.

Obtenir un crédit ? Mission impossible ?

Pendant la présidentielle et les dernières législatives, les priorités des programmes et des candidats s’affichent et se confrontent parmi elles, le pouvoir d’achat. On constate que le prix des carburants, du gaz et du blé sont mentionnés assez souvent ; le logement est, lui, étrangement absent des débats, alors qu’il constitue le premier poste de dépenses des ménages.

Pour couronner le tout, le crédit immobilier doit composer avec la baisse des taux d’usure et en parallèle la hausse des taux de crédit. Cet effet ciseau pénalise des emprunteurs déjà pénalisés par l’inflation généralisée.

Les banques ont remonté leurs taux de crédits, certaines dépassant même la barre des 2% sur les durées de 20 ans et plus pour les revenus modestes. Dans le même temps, la Banque de France a baissé le taux d’usure pour les prêts de même durée. Nous n’avons pas pour objectif de remettre en cause le bien-fondé du taux d’usure, qui vise à protéger l’emprunteur d’éventuels abus, mais son mode de calcul doit s’ajuster à la situation économique actuelle, en temps réel.

Par exemple, quand la Banque de France fixe un taux d’usure basé sur les taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit, augmentés d’un tiers, dans le trimestre précédent, elle ne prend pas en considération l’évolution du taux de crédit à l’instant où l’emprunteur fait sa demande. En d’autres termes, le taux d’usure d’avril, mai et juin 2022 est calculé sur la base des taux de crédit accordés en janvier, février et mars. Or, ils étaient beaucoup moins hauts au premier trimestre. Un décalage qui pénalise à tort l’emprunteur sans discernement de la qualité du profil.

Une des solutions est de reporter son projet d’achat et sa demande de prêt de 3 mois – le temps que le taux d’usure remonte, mais ce n’est pas une solution viable à long terme si les taux de crédit continuent à augmenter.

Le mode de calcul du taux d’usure comporte le risque d’exclure une part grandissante de Français de l’accès au crédit : les ménages aux revenus modestes ou moyens, mais aussi ceux qui sont atteints de problèmes de santé. L’existence de pathologies lourdes chez l’emprunteur augmente en effet le taux d’usure en raison des surprimes de la part d’assurance obligatoire.

En bout de chaîne, les investisseurs en locatif pourraient, eux aussi, avoir un accès restreint au crédit et, par voie de conséquence, ne plus pouvoir contribuer à loger ceux qui ne peuvent pas acheter.

Pendant les périodes de turbulences, le mécanisme actuel menace le pouvoir d’achat immobilier, dans un contexte certes temporaire, mais ce qui se produit en ce moment peut se reproduire dans un avenir proche. Le risque de gripper même de bloquer à terme l’ensemble de la chaîne du crédit et, par un effet cascade, le marché de l’immobilier

SAID Ahmed Amine et WATEAU Rodolphe, consultants CMG conseil

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