Sanctions et lutte contre le blanchiment : des exigences déjà prépondérantes

Sanctions et lutte contre le blanchiment : des exigences déjà prépondérantes

Avant même la guerre en Ukraine, le monde financier était déjà habitué aux exigences en matière de sanctions, lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme (LCB-FT). Ce sujet était déjà la principale thématique des sanctions imposées par l’ACPR  :

Et non seulement ce sujet était prépondérant dans la conformité financière, mais il ne cessait de croître, en témoigne le nombre de déclarations de soupçons remontées à TRACFIN qui n’a cessé d’augmenter depuis 10 ans :

La conformité aux sanctions et LCB-FT avait donc déjà poussé les institutions financières à renforcer leurs équipes, systèmes et formations en la matière. La productivité du processus de LCB-FT et KYC (Know Your Customer) est déterminante pour l’activité des banques et leur croissance. Pour donner la dimension des enjeux, il est estimé que le coût de mise en conformité aux sujets LCB-FT représentait 18.5 milliards de Dollars en France, 83.5 milliards sur les principaux marchés européens, et avec une augmentation prévue à court terme de plus de 20% pour les grandes banques.

Avant le début de son invasion de l’Ukraine en 2022, la Russie faisait déjà l’objet de sanctions depuis 2014 suite à l’annexion de la Crimée. Ces sanctions incluaient notamment des mesures de gel des avoirs et d’interdiction d’opérations à l’encontre de certaines personnalités et de la société militaire privée du Groupe Wagner.

La Russie envahi l’Ukraine, et devient le pays le plus sanctionné dans le monde

En février 2022, Vladimir Poutine décide de reconnaître l’indépendance des Républiques Populaires de Donetsk de Louhansk, et déclenche dans la foulée l’invasion de l’Ukraine. En réaction, un grand nombre de pays, en particulier les Etats-Unis et l’Union Européenne, annoncent des sanctions sans précédent à l’encontre de la Russie. A date, pas moins de sept trains de sanctions ont été pris par l’Union Européenne. Ces sanctions visent les exportations et importations de certains biens, le gel d’avoirs de personnalités et entreprises russes et biélorusses, le gel des avoirs de la banque centrale de Russie, et l’exclusion du système SWIFT de 10 banques russes. Pour illustration, le nombre de personnes morales et physiques russes sanctionnées par l’OFAC est ainsi passé de 360 en 2021 à plus de 1100 en juillet 2022. La Russie est devenue le pays faisant l’objet du plus grand nombre de sanctions dans le monde :

Les institutions financières doivent réviser leurs risques LCB

L’impact immédiat pour les organisations financières est une augmentation du nombre d’alertes associées à ces nouvelles sanctions, et donc un surcroît d’activité en matière de lutte contre le blanchiment.

Mais au-delà d’une simple augmentation des volumes, cette nouvelle situation exige des institutions financières à revoir le risque associé à leur portefeuille. Il n’est en effet pas suffisant de geler les avoirs des personnes listées par les autorités. Il faut également mettre sous surveillance renforcée toutes les personnes (physiques ou morales) présentant un risque accru en matière de blanchiment. Cela inclut les individus ou organisations qui pourraient être en lien avec des personnes nouvellement sanctionnées. Les institutions financières vont donc devoir faire une revue de leur portefeuille, notamment en fonction de la zone géographique.

En fonction de cette analyse des risques, les institutions financières devront ajuster leurs contrôles pour faire face à ces risques. Les trois lignes de défense seront concernées : les contrôles opérationnels, les contrôles de second niveau effectués par des collaborateurs indépendants des opérationnels, et l’audit interne. En particulier, l’audit interne devrait considérer l’ajout d’une mission d’audit sur cette thématique sur 2022 ou début 2023 en fonction des risques de l’organisation. En effet, l’audit interne fonctionne souvent sur la base d’un plan d’audit annuel, et il n’est pas certain que le sujet des sanctions contre la Russie ait été prévu en début d’année.

Les sanctions contre la Russie deviennent la priorité des autorités de contrôle

Le système de sanctions existait déjà avant la guerre en Ukraine. Mais cette guerre change sa dimension et ses enjeux. Les sanctions sont un outil géopolitique pour faire pression sur la Russie, et gêner le financement de sa guerre en Ukraine.

Pour les autorités de contrôle, il s’agit de s’assurer que les institutions financières mettent en œuvre ces sanctions avec efficacité. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y aura peu de tolérance sur l’application de ces sanctions. Pour cela, elles disposent déjà de moyens de contrôles et d’amende, et on peut anticiper que ces moyens seront utilisés et renforcés. Il est probable que l’ACPR, via une approche par les risques, renforce ses contrôles en la matière, et cible préférentiellement les établissements ayant des activités en lien avec la Russie ou tout autre pays par lesquels le blanchiment pourrait être effectué. Signe de la priorisation de ce sujet, le Garde des Sceaux a annoncé un traitement prioritaire des signalements transmis liés à des avoirs Russes.

Très probablement, les autorités s’appuieront sur leur évaluation des risques pour cibler leurs contrôles et proposer de nouvelles réglementations. Ci-dessous sont présentés l’évaluation des risques effectuée par le COLB (l’autorités française) et la FCA (l’autorité anglaise)  :

Ces évaluations seront certainement revues suite aux sanctions contre la Russie, afin notamment d’identifier les circuits que les entités russes sous sanctions pourraient utiliser pour les contourner. Par exemple, les crypto-monnaies pourraient voir leur évaluation révisée. Avec un risque déjà identifié comme croissant, le sujet LCB-FT sur les crypto-monnaies était à l’agenda réglementaire, avec des négociations en cours au niveau européen pour que les transferts de ce type d’actifs soient rendus plus traçables. La Commission ajoute désormais que ces actions « sont particulièrement pertinentes compte-tenu du contexte géopolitique actuel ».

Les enjeux que représentent les sanctions envers la Russie vont donc pousser les autorités à renforcer les contrôles et la législation en matière d’application de gel des avoirs et de lutte contre le blanchiment. Les organismes financiers devront s’assurer d’avoir mis en place des contrôles efficaces : les autorités européennes et américaines ne laisseront rien passer.

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