
Surfant sur les vagues initiées par les fintechs, Apple a surpris le monde bancaire et technologique en présentant son nouveau produit : l’Apple Card. Buzz soigneusement préparé ou réel profit annoncé, l’entreprise américaine continue de bouleverser les codes et surprend à chacun de ses coups.
Quel est le but de la firme à la pomme ? Est-ce une réelle offre disruptive sur le marché ?
L’étonnante alliance des banques traditionnelles et de la technologie
Après avoir bouleversé de nombreux secteurs, Apple a annoncé sa dernière percée : les produits financiers. En effet, avec le soutien de Goldman Sachs, les deux nouveaux partenaires ont présenté une carte bancaire d’un nouveau genre. La promesse de cette nouvelle carte de crédit est simple : lier les fonctionnalités technologiques de l’iPhone aux services bancaires d’une banque traditionnelle, accompagner la gestion monétaire des utilisateurs mais surtout, accroître sa base de données…
Cependant à y regarder de plus près, l’alliance annoncée n’est pas des plus surprenantes au vue de la situation actuelle des deux entreprises. D’un côté, la banque d’investissement peine à accroître ses parts de marché dans le secteur de la banque de détail. Grâce au lancement de sa banque en ligne, elle avait su contrer le ralentissement de ses revenus sans pour autant se démarquer de la concurrence. De son côté, Apple tend à multiplier ses activités en réponse aux baisses de vente d’iPhone. Pour sa part, l’Apple Card est donc l’opportunité d’accroître sa présence dans le secteur financier. Autant de points de convergences qui rendent logiques ce partenariat, les banques pâtissant d’une image assez désuète, bénéficieraient complètement de cette nouvelle vague relativement jeune et aisée.
Bien que très réglementé, ce type d’alliance n’en est cependant pas à son coup d’essai. Le géant de la distribution Amazon propose déjà depuis une quinzaine d’années des cartes de crédit et espère accroitre ses parts de marché en franchissant une nouvelle étape : les comptes courants. Au-delà de l’objectif d’intégrer le secteur, c’est bien accroitre sa connaissance des consommateurs qui intéresse avec ce type de service. En effet, proposer ce type d’offres, est une chance de se renouveler pour le secteur sans pour autant engager de grands moyens financiers dans son développement.
Une nouvelle carte et de nombreuses interrogations
Le géant de la tech va pourtant un peu plus loin dans les paiements en lançant une carte de crédit en partenariat avec Goldman Sachs et Mastercard. Après son système de paiement virtuel qu’était Apple Pay, la marque s’est targuée de proposer une offre plus simpliste et unique. La réalité ne semble pas cependant pas si disruptive, tout paiement reposant sur le système Apple Pay et sur une carte en titane dans le cas d’un refus lors d’un achat physique. S’ajoute également pour tout souscripteur une nouvelle application de gestion budgétaire, donnant accès notamment aux détails de l’ensemble des transactions du client. Cependant la grande différence se verra pour les intermédiaires qui à la différence de ses autres partenariats, pourra percevoir son cash-back quotidiennement et non en fin de cycle mensuel.
D’un point de vue réglementaire, la Directive européenne sur les services de paiement est assurément une aubaine et les fintechs l’ont bien compris. Permettant l’accès aux comptes des clients, de nouvelles et nombreuses entreprises se sont alors engouffrées dans la brèche afin d’en tirer profit comme N26 ou encore Linxo coté tricolore. Dans la même logique, Apple propose une souscription mobile en occultant la partie physique d’une carte traditionnelle, continuant de reposer sur son principe de porte-monnaie électronique. La carte quant à elle, est envoyée dans un second temps, se différenciant alors d’autres acteurs comme Revolut ou N26 se focalisant plutôt sur ses offres Premium.
Se pose tout de même la question des données et de leur contrôle, rappelant la directive récente RGPD. Apple l’assure pour sa part, l’ensemble des données du propriétaire ainsi que celles issues des transactions ne seront stockées que sur le téléphone. Reste cependant à assurer les questions de conformité en découlant, point sur lequel Goldman Sachs ne s’est d’ailleurs pas prononcé. Dans le cas de ce partenariat avec Apple, la banque américaine a affirmé n’avoir qu’un regard sur les données de transactions supposant donc un contrôle, non pas un partage des données des utilisateurs. Au fond, un manque de clarté pour le moment qui ne devrait perturber le fonctionnement bancaire habituel.
En effet, de là à imaginer une révolution du secteur financier, les spécialistes de la question se montrent quelque peu sceptiques et estiment que dans leur majorité, les clients traditionnels ne se tourneront pas vers ce type d’offres. En effet, la grande partie de la cible reste les clients d’Apple, particulièrement attachés aux différentes offres de la marque. De plus, quelles que soient les fonctionnalités de cette nouvelle carte, les premières annonces ne présentent aucune nouveauté et semblent très similaires à celles proposées par les leaders actuels.
Un réel tournant pour les banques ?
Malgré l’emballement outre-Atlantique, les banques françaises et européennes se montrent quelque peu réticentes aux ambitions des géants du Web. La plupart n’y voit en effet qu’une énième carte de paiement, et non une réelle offre bancaire adaptée aux attentes et besoins d’un consommateur européen.
Une inquiétude quant à un bouleversement des business model persiste tout de même : et si Apple et les autres, tendaient à se diversifier pour proposer une nouvelle offre plus proche des néobanques ? Force est de constater que le milieu bancaire s’est trouvé contraint de collaborer dans un premier temps avec Apple Pay. Le montage était simple et n’éloignait pas encore les clients de leur banque habituelle ce qui aujourd’hui serait une menace majeure avec l’Apple Card.
Désormais le risque est beaucoup plus grand pour les banques, qui se retrouveraient alors forcées de coopérer avec un nouvel intermédiaire entre elles et le client final. En somme, il se pourrait que cela entraine une transformation du business model, les forçant donc à développer une nouvelle branche B2B et à adopter un nouveau sytème de désintermédiation. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau en France avec notamment la montée en puissance d’Apple Pay. D’abord réticentes, les banques avaient peu à peu franchi le pas, avec notamment le groupe BPCE. Une année après, les principales banques avaient toutes signé, bien conscientes du pouvoir de séduction et de l’intérêt que pouvait représenter un tel partenariat.
BPCE ou encore BNP Paribas avaient été parmi les premières à s’intéresser aux fintechs. Il ne reste donc qu’à observer les prochains développements succédant à Paylib par exemple, et analyser leur mise en œuvre. La suite logique pourrait se traduire par la mise en place plus fréquente de portefeuille électronique, forçant à un changement radical des habitudes pour les utilisateurs. Au risque de voir leur activité complètement absorbée par les géants de la technologie, les différents établissement bancaires ont donc tout intérêt à entamer une transformation profonde de leurs offres et activités…