La CSRD, un second pas vers le reporting réglementaire durable des entreprises

La CSRD, un second pas vers le reporting réglementaire durable des entreprises

Pôle Risques et Modélisation

L’entrée sur le devant scène de critères autres que financiers

Le changement climatique est au cœur des préoccupations. En attestent les objectifs à long terme fixés ces dernières années par le régulateur pour réduire les effets néfastes de notre activité économique sur la planète.

Nous pouvons citer les deux accords historiques suivants :

L’Accord de Paris : le premier accord international sur le climat, conclu en décembre 2015, pour limiter le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C comparativement aux niveaux préindustriels, tout en maintenant les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C .

Le Pacte vert : un ensemble de mesures, présenté en décembre 2019 par la Commission européenne, visant à faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat à l’horizon 2050. La neutralité climatique sera atteinte lorsque la quantité de gaz à effet de serre émise dans l’atmosphère n’excédera pas celle absorbée par la planète.

Ces objectifs très ambitieux nécessitent que tous les acteurs, y compris les entreprises, agissent dès maintenant en faveur de l’environnement. Les partenaires sociaux, les investisseurs, les employés exigent également la prise en compte de critères sociaux et de gouvernance par les entreprises. La Non-Financial Reporting Directive (NFRD), une directive européenne adoptée en 2014, est venues en partie répondre à ses besoins en rendant obligatoire, pour les grandes entreprises européennes, la publication de rapports extra-financiers. Selon le Ministère de l’Écologie français, ce rapport « consiste pour une entreprise à communiquer sur les implications sociales, environnementales, sociétales de ses activités ainsi que sur son mode de gouvernance ». Toutefois, cette directive a montré ses limites. C’est pourquoi l’un des engagements du Pacte vert est d’améliorer la qualité et la fiabilité des informations extra-financières communiquées par les entreprises. La finalité est de les pousser à intégrer des critères autres que financiers dans leur stratégie. C’est dans ce contexte que la directive 2014/95/UE, dite « directive sur la publication d’informations non-financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes », également connue sous le nom directive CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive), a été adoptée en décembre 2022. Elle vise à mieux réglementer les rapports extra-financiers et viendra remplacer progressivement la NFRD, à compter de 2024.

De la NFRD à la CSRD : Un besoin de renforcement des exigences des reportings durables

Depuis son entrée en vigueur en 2018, la NFRD oblige les grandes entreprises européennes à produire un rapport extra-financier appelé la « Déclaration de performance extra-financière » (DPEF). Cette dernière doit contenir des informations relatives aux questions sociales, environnementales, au respect des droits humains, à la lutte contre la corruption et à la diversité au sein des organes de décision. Cependant, elle a montré plusieurs limites :

Un champ d’application restreint aux entreprises de plus de 500 salariés, soit un total de 11 700 entreprises européennes.
L’absence de standardisation et d’homogénéisation des informations fournies et de la méthodologie choisie. Ce qui rend les informations difficilement comparables.
Peu d’informations disponibles et certaines problématiques ne sont pas prises en compte (ex : le changement climatique).
Aucun organe de contrôle pour garantir la qualité des informations communiquées, ce qui a pour conséquence la non-fiabilité de ces dernières.

Pour répondre à ces limites, l’Union européenne a adopté la CSRD fin 2022. Elle s’inscrit dans la même lignée que la NFRD, mais va plus loin en termes d’exigences tant sur la forme que le fond.

La CSRD : Quels changements pour les entreprises ?

Une harmonisation des rapports extra-financiers

La directive CSRD va permettre d’harmoniser et de standardiser les rapports extra-financiers. Elle structure les rapports en douze normes, appelés European Sustainability Reporting Standards (ESRS). Ils comprendront deux normes générales, cinq normes environnementales, quatre normes sociales et une norme de gouvernance. La CSRD fait le lien avec la Taxonomie verte, qui est « un système de classification des activités économiques permettant d’identifier celles qui sont durables sur le plan environnemental, c’est-à-dire qui n’aggravent pas le changement climatique » . Les ESRS environnementales reprennent les mêmes enjeux environnementaux que la Taxonomie verte. 

 

Pour chacune de ces normes, les entreprises auront l’obligation d’expliciter leur stratégie, les moyens mis en œuvre et la performance extra-financière qui en a découlé. Une notice est dédiée à chaque norme ESRS et précise les métriques à prendre en compte. Par exemple concernant la pollution, les métriques retenues sont les émissions de polluants atmosphériques ou encore les émissions de substances néfastes pour la couche d’ozone .

L’harmonisation et la standardisation des rapports extra-financiers vont faciliter la comparabilité entre les différentes entreprises.

Introduction du concept de « double matérialité »

La CSRD introduit la règle de la « double matérialité » qui consiste à évaluer d’une part les impacts des sujets sociaux et environnementaux sur l’entreprise et, d’autre part, ceux de l’entreprise sur ces sujets. Par exemple, un conflit dans le pays d’un fournisseur représente un impact du contexte social du pays sur l’activité d’une entreprise, tandis que les émissions de gaz à effet de serre générées par une entreprise représentent un impact de celle-ci sur l’environnement.

Un panel plus large de sociétés concernées

La CSRD a fortement étendu son champ d’application puisqu’elle concernera, à terme, près de 50 000 entreprises. De nombreuses entreprises, jusqu’alors exonérées, vont devoir se mettre en ordre de marche pour se préparer à produire le reporting de durabilité. Le calendrier de mise en œuvre débutera en 2025 et prendra fin en 2029. Une obligation de contrôle

Les informations communiquées devront être vérifiées par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant. La cohérence entre ces informations et la stratégie mise en œuvre par l’entreprise seront également examinées.

Pour conclure, la CSRD va se mettre en place progressivement et les entreprises vont devoir commencer dès maintenant à se préparer à être en mesure de fournir le niveau d’information requis. Cette nouvelle directive vise à permettre de lutter contre le greenwashing en exigeant un niveau de détail plus important quant aux actions mises en œuvre par les entreprises en faveur de l’environnement. De plus, elles vont devoir suivre un certain nombre de métriques à un intervalle régulier, ce qui peut leur permettre d’identifier des axes d’améliorations.

Cette directive va par ailleurs permettre aux banques de répondre aux exigences de la réglementation SFDR quant à leurs émissions de scope 3. Il s’agit des émissions de gaz à effet de serre liées au cycle de vie du produit. On pense par exemple aux émissions liées à l’achat de matières premières ou encore au transport des employés.

Les entreprises exclues de la NFRD mais qui entrent dans le scope de la CSRD vont devoir commencer à se préparer à produire ces reportings. Cela va leur générer un coût non négligeable. À terme, on peut envisager que les entreprises encore exclues de la CSRD, sous la pression sociétale, finissent également par devoir communiquer des informations extra-financières. La CSRD va devoir être transposée par chaque État membre dans leur droit national afin qu’elle puisse s’appliquer sur leur territoire. Les États devront ensuite se charger de la pénalité appliquée en cas de non-respect. Malheureusement, il n’y aura pas d’uniformisation des sanctions au niveau européen. Une même infraction pourra être sanctionnée d’une déclaration publique reprenant les détails de l’infraction dans un État à une amende dans un autre. Toutefois, les sanctions devront être « effectives, proportionnées et dissuasives » . Les initiatives européennes sont à saluer, mais ne seront efficientes que si elles sont suivies à l’échelle mondiale.

[1] « L’accord de Paris », https://www.un.org/fr/climatechange/paris-agreement
[1] « Qu’est-ce que la règlementation CSRD ? », https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/la-nouvelle-reglementation-csrd-ce-que-vous-devez-savoir#:~:text=La%20CSRD%20directive%2C%20ou%20Corporate,contre%2011%20700%20actuellement)%E2%80%8B.
[1] « Taxonomie verte : mode d’emploi ! », https://france.representation.ec.europa.eu/informations/taxonomie-verte-mode-demploi-2022-01-13_fr#:~:text=La%20taxonomie%20verte%20de%20l,aggravent%20pas%20le%20changement%20climatique.
[1] Présentation Glimpse into draft ESRS E2 Pollution de l’EFRAG, présenté par Andrea Giannini, en décembre 2022
[1] « Qu’est-ce que la règlementation CSRD ? », https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/la-nouvelle-reglementation-csrd-ce-que-vous-devez-savoir#:~:text=La%20CSRD%20directive%2C%20ou%20Corporate,contre%2011%20700%20actuellement)%E2%80%8B.

Sandie MAJOR – CMG Conseil

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