
En juillet dernier, Andrew Bailey, directeur de la Financial Conduct Authority (FCA), a annoncé la disparition prochaine du LIBOR. Cette décision fait suite aux scandales des dernières années, qui ont ébranlé l’indice servant de taux de référence interbancaire.
Un bref résumé sur le LIBOR
Le LIBOR (London Interbank Offered Rate), est le taux auquel les grandes banques se prêtent de l’argent « sans garantie ». Il est côté tous les jours, selon la contribution d’un « panel » de banques, sélectionnées par l’IBA (ICE Benschmark Administration) en charge de publier quotidiennement les cotations officielles. Le LIBOR est contribué dans plusieurs devises qui sont l’USD, le GBP, le JPY, le CHF et l’EUR. Selon la devise, entre 6 et 16 banques contribuent aux données. Il est à noter que l’EUR LIBOR diffère de l’EURIBOR (European InterBank Offered Rate). Le premier est le taux auquel les banques du « panel » estimeraient pouvoir emprunter à une autre banque, le deuxième est ce même taux d’emprunt mais estimé par les 57 banques de la zone EURO.
Les taux LIBOR sont donc calculés sur la base de données communiquée par le « panel », qui indique quotidiennement à quel taux elles peuvent prêter et emprunter sur le marché interbancaire, pour différentes échéances (overnight, 1week, 1 month, 2 months, 3 months, 6 months, 1 year). Ensuite, Thomson Reuters (pour le compte de l’IBA) exclut de cet échantillon, les taux les plus éloignés de la moyenne à savoir, les 25% les plus élevés et les 25% les plus faibles ; et lisse les données restantes pour en déduire les cotations officielles. Ces calculs sont sur la base de transactions hypothétiques et non réelles, dans la mesure où ce « panel » n’emprunte pas tous les jours des montants significatifs à toutes les échéances possibles.
Les taux LIBOR sont considérés comme étant les taux de prêts interbancaires les plus bas sur le marché londonien. Les banques se refinancent, entre elles, à ce taux et appliquent une marge sur les taux pratiqués en banque de détail et sur les produits traités sur les marchés financiers, obligataires, etc. C’est également un baromètre des marchés financiers, un taux qui grimpe est révélateur d’un marché peu confiant ; les banques plus frileuses à se prêter de l’argent entre elles, font payer ce risque induit, et ralentissent de ce fait le marché général des prêts/emprunts. Le taux LIBOR fait office de benchmark pour nombre d’entités et de produits financiers. La BCE (Banque Centrale Européenne) a estimé que le marché ayant recours à ces taux s’élève à 180 milliards de dollars.
Le scandale qui a ébranlé le LIBOR
Suite à la crise de 2008, Wall Street a contesté les taux communiqués par la BBA (Britisk Banker’s Association), masquant ainsi une santé fragile des banques, et pointant du doigt leur responsabilité dans la crise financière. La BBA a depuis été remplacée par l’IBA (InterContinental Exchange Benchmark Administration), en février 2014, sur recommandation de Martin Wheatley (directeur général de la FCA lors de l’audit de 2012).
Les accusations portaient contre des banques du panel, soupçonnées de manipuler les taux pour que cela leur soit favorable. Plusieurs grandes banques se sont alors vues infliger de fortes amendes (plus de 10 milliards de dollars pour Barclays, RBS, UBS ou Deutsche bank). Pourquoi manipuler le taux LIBOR ? Une banque moins solvable est une banque à qui ses concurrentes proposent des taux d’emprunts plus élevés pour rémunérer ce risque de crédit. Elle devrait donc légitimement contribuer des taux d’emprunts plus élevés que les autres banques du « panel ». Mais pour continuer à bénéficier de taux faibles et masquer ses faiblesses, elle va contribuer des taux ‘faussement’ bas. Cependant une banque ne peut ‘tricher’ seule ; pour que la contribution à la baisse soit prise en compte dans la cotation officielle du LIBOR, il faut qu’elle reste dans la moyenne. Plusieurs banques doivent donc s’accorder pour revoir à la baisse leurs contributions.
Ces manipulations sont révolues, affirme Andrew Bailey. Il a annoncé la disparition prochaine du LIBOR, car ce dernier ne peut plus remplir son rôle à savoir mesurer le prix des prêts interbancaires, suite à l’effondrement engendré par la crise de 2008. Les banques du « panel » se sont cependant engagées à contribuer les taux LIBOR jusqu’en 2021.
Même s’il se peut que le Libor en dollar US existe au-delà de 2021, une gestion prudente du risque suppose de se préparer à un monde sans (Libor), a déclaré Lorie Logan, du groupe de surveillance des marchés de la Fed de New York.
Quel remplaçant pour le LIBOR ?
Le SONIA (Sterling OverNight Index Average) en Grande-Bretagne, et le SOFR (Secured Overnight Financing Rate) pour les Etats-Unis pourraient prendre la relève du LIBOR. Le SOFR serait un système basé sur « trois taux reflétant les transactions réalisées sur le marché monétaire au jour le jour, gagé par des emprunts d’Etats américains (marché du Treasury repo). » Les premières publications sont attendues pour juin.
Les prochaines actions à mener pour les banques, suite à la disparition de l’indice de référence, sont de ne plus mentionner le LIBOR en taux de référence dans les nouveaux contrats, et de remplacer progressivement ce taux dans les contrats toujours en vie.
La question qui se pose désormais : la disparition du LIBOR engendrera-t-elle celle de son cousin européen, l’EURIBOR (également calculé sur la base de transactions estimées et non réelles) ? Une méthode de calcul hybride serait en cours d’étude.
Laëtitia G.