
« Les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies. Point final. »
Le 17/09/2021, Christine Lagarde a tranché. La présidente du FMI range les cryptomonnaies dans la catégorie des actifs hautement spéculatifs. Mais pourquoi cette condamnation intervient-elle après que le Salvador leur a reconnu le statut de monnaie ?
Les raisons sont multiples, mais peu importe. Le résultat est que les cryptomonnaies sont donc considérées comme un simple actif : on peut donc les réguler… pour évidemment mieux les contrôler.
Mais c’est quoi une cryptomonnaie ? Est-ce vraiment une monnaie ? D’ailleurs c’est quoi une monnaie ?
Pourquoi faut-il réguler la cryptomonnaie ?
Quels pays régulent déjà les cryptomonnaies ?
Quelles sont les futures réglementations qui se profilent en Europe ?
La monnaie est définie par trois fonctions principales : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges.
En d’autres termes, la monnaie permet d’acheter les choses plus simplement qu’auparavant (le troc). Elle doit garantir la valeur (pas toujours malheureusement, en cas d’hyperinflation par exemple) et elle est un moyen standardisé d’expression de cette valeur.
Et chose importante, la monnaie (jusqu’à aujourd’hui) est frappée par un état ou une communauté d’états (ex : union européenne).
La cryptomonnaie répond-elle à la définition de la monnaie ?
Conçue pour internet, elle permet de payer en ligne. Elle est stable car une fois émise elle ne peut pas faire l’objet de manipulation. Elle ne pourra jamais être un instrument de politique monétaire. Enfin, elle est un moyen standardisé d’expression de la valeur.
De plus la cryptomonnaie a de nombreux avantages comme en particulier la sécurité, la rapidité, la transparence des transferts. En effet, chaque unité de monnaie possède tout son historique, qui demeure public.
Cela semble donc répondre à la définition de la monnaie. Sans doute, pourtant nombre d’états lui reprochent :
- Un réseau de paiement peu développé auprès du grand public
- Une volatilité très élevée (à noter cependant que certaines, les stablecoins, s’adossent à des monnaies classiques comme le dollar afin d’amoindrir cette volatilité)
- Un risque lié au blanchiment d’argent
- Des arnaques nombreuses comme des manœuvres de manipulation de marchés.
Mais le risque probablement le plus critique aux yeux des Etats vient de la nature de la cryptomonnaie : son indépendance. Cette indépendance présente un risque pour le système économique et financier.
En effet une telle monnaie ne permet plus de faire de « politique monétaire » car il n’y a pas de banque centrale associée.
La crise du Covid 19 est révélatrice : l’intervention des banques centrales a maintenu à flot notre modèle économique.
Une cryptomonnaie, donc indépendante, n’aurait pas permis ce sauvetage. Les conséquences auraient probablement été catastrophiques.
Tous ces risques (blanchiment, manipulation, volatilité, … et risque systémique) sont assez forts pour imposer une régulation. Mais cette régulation n’est pas mauvaise en soi, elle offrirait même de réelles opportunités :
- Une confiance augmentée : des investisseurs protégés en cas d’arnaques
- Un cadre légal et encadré : création de nouveaux emplois
- Un nouveau régime fiscal moins lourd, moins contraignant
Des régulations sont apparues à travers le monde pour sécuriser, contrôler, limiter les champs d’action et les impacts des cryptomonnaies.
- La banque centrale du Japon a reconnu officiellement les crypto-monnaies comme un moyen de paiement mais elles ne sont pas des monnaies légales
- Aux États-Unisles crypto-monnaies sont définies, suivant les organismes comme des titres, des monnaies, des matières premières ou comme des biens. En septembre 2021, le Trésor américain envisagerait des sanctions contre les plateformes opérant des transactions illicites en cryptomonnaies
- Au Royaume-Uni, le gouvernement envisagerait en 2022 une loi permettant de réguler la publicité sur les cryptomonnaies via le contrôle de l’Advertising standard authority(ASA)
- En Corée du Sudla réglementation autorise Les transactions de crypto-monnaie uniquement à partir de comptes bancaires avec un nom réel.
Les prochaines régulations viendront d’Europe. Le 21/11/2021 un accord du Conseil de l’Europe est trouvé sur la finance numérique. Celui-ci définit un cadre réglementaire sur les crypto-actifs avec 2 dispositifs : MiCA (Markets in Crypto Assets) et DORA (Digital Operational Resilience Act).
Ils visent plusieurs objectifs :
- Encadrer strictement l’émission des Stablecoins
La Commission européenne considère ces cryptos comme « susceptibles d’être massivement utilisés et de devenir systémiques ». L’Europe semble craindre que ces cryptomonnaies concurrencent les monnaies conventionnelles, et donc l’Euro. Les stablecoins non conformes seraient bloquées.
- Restaurer la confiance
La Commission européenne souhaite également apporter une infrastructure juridique pour créer un sentiment de confiance et encourager l’investissement.
- Protéger les usagers
Afin de protéger les usagers, certaines informations clés seraient publiques, disponibles à tout moment pour quiconque souhaite investir, et un droit de rétractation garanti.
Rappelons tout de même que cet accord est encore à l’étape de projet. Il connaîtra probablement des modifications d’ici son entrée en vigueur, prévue pour 2023.
Les Régulations sur les cryptomonnaies visent donc à encadrer, restaurer la confiance.
Mais les états souhaitent surtout protéger leurs institutions monétaires.
Une monnaie n’est-elle finalement pas une chose trop sérieuse pour la laisser à des non institutionnels ? la stabilité du monde n’impose-t-elle pas finalement que les états s’approprient ce sujet ?
Olivier Cornillon, consultant CMG Advisory