
En 2020, le monde s’arrête. La raison ? Un nouveau virus venu de Chine et qui confine près de la moitié de la population mondiale.
Le choc passé, le vaccin trouvé, l’économie mondiale repart, et repart fort. Par conséquent, la demande est énorme mais l’offre peine à suivre. Ce phénomène de rattrapage couplé à des phénomènes météorologiques inédits ont pour conséquence une hausse importantes des prix des matières premières.
Quelles sont les raisons mais surtout quelles en sont les conséquences sur les entreprises, les marchés financiers et la population ?
Le redémarrage de l’économie, principal facteur de la hausse des prix
Après le quasi arrêt de l’économie dû à la crise du Covid en 2020, l’économie embraye avec un redémarrage important, ayant pour impact une augmentation mécanique des prix. En effet, la demande est largement supérieure à l’offre. De nombreuses entreprises ont et continueront à avoir des difficultés à relancer leurs chaînes de production pendant encore plusieurs semaines voire plusieurs mois
Une des hausses de prix les plus importantes sur l’année 2021 est celle de l’or noir. Depuis Juillet 2020, le prix du baril a augmenté de 125 %, passant de 40$ le baril à 90$ en février 2022.
Selon Goldman Sachs, cette hausse des prix est principalement liée aux sous-investissements du secteur ces dernières années. Ce manque d’investissement est justifié, en partie, par les prix très bas du baril que l’industrie a connu jusqu’en 2021, mais également par les difficultés qu’elles ont eues à lever des fonds. En effet, les investisseurs intègrent désormais, sous la contrainte du public mais aussi du régulateur, des critères ESG[1].
Source : Investing.com
Outre l’augmentation des prix du pétrole, matière première encore largement utilisée dans l’industrie, les prix du cuivre, de l’aluminium mais aussi du bois connaissent des augmentations majeures. Les raisons sont identiques à la hausse des prix du pétrole, couplées à des stocks très bas liés à la crise sanitaire.
De plus, le poids de la transition écologique pèse sur le prix de ces produits. Le cuivre par exemple est un des métaux les plus utilisés dans les nouvelles technologies écologiques. Nous pouvons citer également tous les métaux rares, indispensables à la construction des batteries de voitures électriques : marché en plein essor.
La volonté de changement dans les habitudes de consommation couplé à une offre faible impacte à la hausse les prix.
La Chine, principal moteur de la hausse des prix ?
Comme on le sait, la Chine est depuis plus de 30 ans l’usine du monde. Ce pays fournit désormais l’ensemble des marchés tant sur les matières premières que sur les biens de consommation. Outre le fait que la Chine ait une balance commerciale excédentaire, le pays importe énormément. Il est le premier producteur mondial d’aluminium, mais également un des premiers importateurs mondiaux. Idem pour les céréales, avec des multiplications des achats par 3 pour le blé et par 2 pour le maïs[2].
Une des hausse les plus emblématiques, et en particulier en France, est celui du bois. En effet, la Chine est très consommatrice de cette matière. Le chêne français est particulièrement convoité, avec une hausse de l’export de 20 % vers ce pays[3].
Cette exportation massive a des conséquences importantes pour les entreprises françaises et notamment pour les scieries. Les prix, fixés par enchères, ont augmentés de 42 %[4].
Outre cet impact, l’export massif de bois vers la Chine est une aberration écologique. Le bois exporté revient sous forme de parquet, lui-même fabriqué en Chine. Un cercle vicieux.
Source : Nasdaq
La hausse des prix des matières premières alimente la spirale inflationniste
Les industries manufacturières et en particulier la métallurgie et la papeterie sont de très grands consommateurs de matières premières, mais également d’énergie. Selon la BPI, cette consommation d’énergie représenterait 174 % de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) contre 17,5 % pour le reste de l’industrie manufacturière[5].
Malgré les instruments de couverture utilisés par ces entreprises et la renégociation des contrats, l’augmentation des prix a été inévitable pour absorber le choc de ces augmentations.
Ainsi, en 2021 l’industrie de la métallurgie a augmenté ses prix de 29 %, la chimie de 19 %, le papier de 12 % contre 8 % pour le reste du secteur industriel.
Chronique des prix à la production par branche industrielle, Source : BPI France
Cette hausse des prix des matières premières a un impact négatif mais limité sur les entreprises. En effet, l’industrie manufacturière connaît une baisse d’environ 5 % de son EBE.
Outre cette baisse des résultats, le prix des matières premières serait un frein pour l’activité des TPE/PME, moteur essentiel de l’économie du pays. Selon la BPI[6], 28 % de ces structures sont impactées par ces hausses.
Le retour de l’inflation
Les entreprises françaises ont, dans l’ensemble, plutôt bien résisté à cette nouvelle crise. Cela est dû à un soutien de l’État mais surtout par une répercussion de cette hausse sur les prix de vente des produits finis.
Ainsi Michelin, malgré un coût de 1,2 Mds lié à la hausse des matières premières et des problèmes logistiques, a enregistré une augmentation de ses ventes de 16 % à 23 Mds €.
Idem pour l’industrie automobile, et qui malgré de graves problèmes d’approvisionnement de composants électroniques, connaît des résultats en hausse.
La hausse des prix de vente, répercutée sur le consommateur, alimente la hausse de l’inflation.
Aux Etats-Unis, celle-ci atteint 7,5 % en février 2022, à un niveau jamais atteint depuis 1982[7]. Dans la zone Euro, l’inflation atteint quant à elle 5 % en décembre 2021, bien au-dessus de l’objectif fixé par le BCE des 2 %.
Ce retour de l’inflation, quelque peu oublié depuis la crise financière de 2008 et les mesures des différentes banques centrales, inquiète et en particulier la population. En effet, la hausse des salaires ne suit pas celle de l’inflation, avec une augmentation de 1,5 % sur un an au troisième trimestre 2021[8].
A l’approche des élections présidentielles en France, cet indicateur est très suivi car il est facteur de « grogne sociale ».
L’arme contre l’inflation impacte les marchés financiers
Face à cette flambée des prix, les banques centrales, et en particulier la Fed, envisage une hausse anticipée des taux directeurs (jusqu’à 50 bps pour certains analystes). La fourchette actuelle est comprise entre 0 et 25bps.
La perspective de cette hausse impacte négativement les niveaux des marchés financiers. En effet, cela impliquerait la fin de la politique accommodante de la Fed quant au rachat d’actifs.
Les cours boursiers ont connu une baisse en ce début février, dans la suite de la baisse de janvier.
Evolution du S&P 500, Source : Investing.com
Le monde connaît une succession de crises, sanitaire puis économique, depuis 2 ans. La hausse du prix des matières premières concomitante à la reprise économique, impacte les entreprises, les marchés financiers mais aussi et surtout les particuliers. Le niveau d’inflation et l’évolution des prix devront être scrutés de près, afin d’éviter des troubles liés à une paupérisation de la population.
Antoine Fillon, consultant CMG Conseil
[1] https://www.usinenouvelle.com/article/la-hausse-des-prix-des-matieres-premieres-va-se-poursuivre-avertit-damien-courvalin-analyste-chez-goldman-sachs.N1776687
[2] https://www.la-croix.com/Economie/Pourquoi-Chine-fait-flamber-prix-matieres-premieres-2021-01-21-1201136146
[3] https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-3/19-20/bois-les-artisans-font-face-a-une-penurie-due-a-lexportation-massive-des-chenes-francais-en-chine_4931855.html
[4] Ibid.
[5] https://lelab.bpifrance.fr/thematiques/tendances-economiques-et-sectorielles/les-entreprises-face-a-la-hausse-des-prix-du-gaz-et-de-l-electricite
[6] Ibid.
[7] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/12/l-inflation-atteint-7-aux-etats-unis-un-niveau-inedit-depuis-1982_6109199_3234.html
[8] https://www.lesechos.fr/monde/europe/linflation-tirera-les-salaires-a-la-hausse-cette-annee-1381473