
En marge du forum de Davos et des fluctuations financières, l’ensemble des banques centrales se voit dans l’obligation de réviser l’un de ses outils de politique financière, le « forward guidance ». Ce dispositif monétaire aussi appelé « communication avancée », impacte fortement les places boursières et permet notamment d’appréhender les grandes décisions des marchés.
Aux origines de la communication avancée
Il y a 10 ans lorsque les premiers effets de la crise des subprimes se faisaient ressentir, la plupart des banques nationales et centrales ont mis en place des politiques de communication visant à appréhender les différentes fluctuations bancaires. La communication avancée était alors née comme on la connait de nos jours, visant principalement à prévenir des évolutions futures en termes monétaires tout en maintenant une croissance stable voire positive. Aussi deux raisons peuvent expliquer l’utilisation de cet outil, comme le besoin de transparence dont les demandes se font de plus en plus fréquentes, dans un devoir de transmission des informations et de prévention des évolutions futures.
Ainsi, ces informations sont donc cruciales pour tout investisseur. En d’autres termes, pour prendre l’exemple d’un épargnant souhaitant investir sur une période de 5 ans, deux options s’offrent à lui :
- Épargner à un taux annoncé au jour J, valable durant l’ensemble de la période,
- Épargner sur une durée plus courte (une année par exemple), et actualiser le taux chaque d’année.
Quelle que soit l’option choisie par l’épargnant, les sommes placées doivent présenter la même valeur ; le taux lissé ou ajusté sera donc le même. Ce principe expliqué est aussi valable sur les marchés avec les taux journaliers.
De nos jours, la situation est tout autre tant la situation monétaire des marchés a évolué faisant face notamment à une décélération de la croissance mondiale indexée aux prochaines échéances telles que le Brexit, ou encore les diverses guerres commerciales inter-continents. Les conditions ne sont pas si mauvaises mais forcent aujourd’hui à envisager une nouvelle manière de capter le cycle de taux d’intérêts.
Vers une impasse mondiale
Au vue des effets pervers et de l’influence que pouvait avoir la communication avancée, la Réserve fédérale a été la première institution bancaire à supprimer ses points de communication, indiquant également dans le même temps, que sa gestion quotidienne se voulait souple. A l’inverse les banques européennes ont renforcé l’organisation entourant la communication basée sur de nouveaux outils, rendant l’anticipation et la prévention plus aisée mais surtout, plus crédible aux yeux des investisseurs.
Majoritaire dans ses parts obligataires, le gouvernement japonais par exemple, s’est retrouvé dans une situation défavorable à la mise en place de toute nouvelle politique d’assouplissement quantitatif. Les marges de négociations se réduisant tout comme le niveau incroyablement bas de ses taux, le gouvernement est même allé jusqu’à provoquer le débat afin d’encourager une reconsidération des politiques bancaires.
Faute de trouver mieux, les institutions japonaises se sont finalement tournées vers une nouvelle politique de communication en s’engageant notamment à maitriser ses taux d’intérêts dans le but de contenir l’inflation, menaçant aujourd’hui d’un nouveau choc économique.
Un retour à l’assouplissement quantitatif (QE) semble également impensable au niveau européen, qui pourrait se tourner désormais vers la communication avancée. Notons surtout que la BCE termine un cycle de compensation de près de cinq années, achetant systématiquement différents titres de dettes à l’ensemble des acteurs du vieux continent.
Peu avant la rentrée, la Banque centrale européenne s’est alors engagée sur l’année 2019 en termes de taux mais n’a pas été en mesure de communiquer sur des prévisions allant au delà de ce cap. L’avenir dira si ce choix s’avère payant ; en effet repousser le temps de l’annonce, pourrait permettre de contenir un nouveau ralentissement de la croissance sur une période indéfinie…
Un exercice à double tranchant
Bien qu’efficace par le passé, ce jeu de communication a cependant eu des effets inattendus ces derniers mois comme lors d’une récente allocution de Mario Draghi. En effet celui-ci tentait de prévenir une inflation prochaine sur le marché européen provoquant à ses dépens, un pic inattendu des rendements obligataires.
Début 2018, c’était au tour de la banque nationale japonaise d’effrayer les marchés financiers en avançant des prévisions monétaires quant au faible bénéfice à venir des fonds de pensions. En réponse, les investisseurs japonais avaient alors spéculer sur une fin des allocations étatiques provoquant dans le même temps, une profonde réforme du système de retraite nippon.
Payant, cet exercice à double tranchant force à un pragmatisme accru, et à un discours réaliste et crédible. Les fréquents rebondissements mettent l’ensemble du système bancaire dos au mur, face à des situations toutes plus diverses. Une mauvaise communication pourrait affaiblir les dirigeants bancaires pour avoir condamné les politiques annuelles des différents acteurs du marché.
Cette technique bien qu’efficace par le passé du fait de sa nouveauté, et l’effet de surprise qu’elle pouvait provoquer, ne semble plus porter ses fruits. Reste à voir à l’avenir comment les banques centrales parviendront à restructurer leur politique de communication afin d’espérer insuffler un nouveau dynamisme aux marchés.
Roxane B.