
Faut-il accepter le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le Fonds Monétaire International (FMI) lors de l’Eurogroupe du 25 juin, qui est composé de deux parties : “Reforms for the completion of the current program and beyond” et “Preliminary debt sustainability analysis”.
À cette question, les Grecs ont répondu majoritairement « non » à hauteur de 61.3% le dimanche 5 juillet 2015.
C’est une grande déception pour la commission européenne, les états de la zone Euro et même le président du parlement européen, Martin Schulz, qui ont encouragé la victoire du « oui », parfois dans l’espoir de faire tomber le gouvernement d’Aléxis Tsípras.
Quelles sont les conséquences de ce vote pour l’avenir de la Grèce au sein de l’union monétaire ?
Un paradoxe
C’est aujourd’hui l’incertitude qui, plus que jamais, domine chez les Européens. Car si Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a clairement affirmé que voter « non » serait voter contre l’euro, la réalité n’est pas aussi claire que cela.
D’abord parce que le gouvernement grec ne tire pas du tout cette conclusion du vote comme l’a rappelé le premier ministre grec Aléxis Tsípras : le non au référendum ne signifie pas « une rupture avec l’Europe » mais « le renforcement de notre pouvoir de négociation » avec les créanciers, l’Union européenne et le FMI. Mais aussi parce que la Grèce est, malgré tout, bien imbriquée dans l’Union monétaire et les traités ne sont pas prévus pour une sortie de l’euro.
Un risque de crise politique majeure pour la zone Euro ?
Le « non » ouvre une crise politique majeure sans précèdent dans la zone Euro. Les Européens devront décider si la Grèce peut rester dans la zone Euro et sur ce point les positions divergent.
Les français veulent tout faire pour éviter le « grexit », c’est-à-dire la sortie de la Grèce de la zone Euro, contrairement à la position allemande.
Il serait pourtant facile de laisser dériver Athènes hors de la zone Euro. C’est un scénario probable dont l’issue dépend en grande partie de l’attitude de la Banque Centrale Européenne. Cette dernière fournit les banques grecques en liquidités d’urgence (ELA). Juste ce qu’il faut pour éviter que le système bancaire ne s’écroule, mais pas assez pour avoir évité le contrôle des capitaux instauré par le gouvernement d’Aléxis Tsípras le lundi 29 juin. Si la BCE ferme ce maigre robinet de survie, l’état grec ne sera plus en mesure de payer ses fonctionnaires, ni de verser des retraites. Une nouvelle monnaie devrait donc voir le jour, éloignant de fait la Grèce de la zone Euro.
Malgré cette tentation du Grexit toujours présente, les états de la zone Euro y réfléchiront à deux fois avant de jouer cette carte. Ne serait-ce que pour des raisons économiques. En effet, 183.8 milliards d’euros ont été prêtés à la Grèce par les états européens sur les 312 milliards de dette (environ 60% du total), soit dans le cadre de prêts bilatéraux soit via le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). Un défaut grec accompagné d’une sortie de l’euro signifierait tout simplement que cet argent ne serait jamais remboursé. Une perte sèche qui viendrait se greffer à l’échec politique de n’avoir pas su régler une crise touchant un petit pays européen.
Vers un troisième plan d’aide
Malgré la victoire du « non », les négociations ne se sont pas rompues. Le gouvernement d’Aléxis Tsípras, qui ressort renforcé de ce scrutin, peut entamer de nouvelles discussions avec les membres de l’Union Européenne, du Fonds Monétaire International et de la Banque Centrale Européenne (la Troïka). La question de la dette sera désormais sur la table des négociations, mais la position grecque semble davantage évoluer vers la modération que vers la rupture et la sortie de la Grèce de la zone Euro, comme en témoigne la démission du ministre de l’économie grecque Yanis Varoufakis, qui s’était mis à dos ses homologues de la zone Euro.
Après plusieurs heures de négociations, les dirigeants de la zone Euro ont validé un troisième plan d’aide pour la Grèce, d’un montant de 86 milliards d’euros maximum sur 3 ans. La première tranche d’aide s’élèvera à 26 milliards d’euros, et sera elle-même divisée en plusieurs sous tranches. D’abord un versement immédiat de 10 milliards placés sur un compte distinct destiné à la recapitalisation des banques grecques ; puis la deuxième « sous-tranche » de 16 milliards d’euros commencera par un versement de 13 milliards d’ici au 20 août, suivi d’un ou plusieurs autres à l’automne, en fonction de la mise en œuvre des réformes. Une deuxième tranche de 15 milliards, entièrement consacrée à la recapitalisation des banques, est prévue en cas de besoin d’ici le 15 novembre. Cela porte donc au total à 25 milliards d’euros la somme de ce plan d’aide réservée aux banques grecques.
En contrepartie, le gouvernement grec doit se plier à des exigences lourdes puisque l’accord va très loin dans le détail des conditions à remplir en échange de cette manne financière vitale. En effet, l’accord couvre un champ extrêmement vaste, de la réforme de la justice aux règles du licenciement collectif en passant par la politique des transports. Sans compter les objectifs budgétaires très ambitieux fixés à la Grèce, qui vont requérir des mesures d’austérité draconiennes. Les contrôles qui seront effectués par l’Union européenne, le Fonds Monétaire International et la Banque Centrale Européenne sont les mêmes, formellement, que dans les deux précédents plans d’aide de 2010 et 2012. En revanche, dans leurs exigences, les créanciers sont beaucoup plus précis sur les mesures à prendre et sur le calendrier.
Autre élément nouveau : la création d’un fonds de privatisation de 50 milliards d’euros des ports, des aéroports, des chemins de fer, géré par Athènes mais supervisé par les institutions internationales.
Le contrôle exercé sera d’autant plus strict que les deux premiers programmes sont loin d’avoir donné des résultats satisfaisants, en partie pour cause d’insuffisance de la part du gouvernement grec sur fond de récession et d’instabilité politique.
Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES)
La crise des dettes souveraines de certains pays européens a conduit l’Europe à vouloir se doter d’un outil permettant d’assurer la stabilité de la zone Euro, en toutes circonstances. Le MES doit aider, sous conditions, les états et les banques de la zone Euro en difficulté économique. Le capital du MES est composé de 80 milliards d’euros de fonds propres et de 620 milliards d’euros de capitaux appelables, c’est-à-dire empruntés selon les besoins sur les marchés. À tout moment, le capital pourra être augmenté si les états le décident. Cette force de frappe permet au MES d’avoir une forte crédibilité sur les marchés lui permettant d’obtenir un AAA par les agences de notation. Le MES peut apporter son aide financière de différentes façons : en renflouant un état qui ne peut pas se financer sur les marchés, en rachetant de la dette d’état ou en recapitalisant les banques. Le fonctionnent du MES repose sur un conseil des gouverneurs composé des ministres des finances des états membres et présidé par le chef de l’Eurogroupe. Chaque gouverneur a un nombre de voix proportionnel à sa cotisation, à titre d’exemple la France participe au capital du MES à hauteur de 142 milliards d’euros sur les 700 milliards (soit 20.4%) et a un droit de véto.
Les détracteurs du MES pensent que ce mécanisme va à l’encontre de la souveraineté nationale et favorise l’austérité.
La Grèce est-elle sauvée ?
L’accord entre Athènes et les chefs d’états et de gouvernements de la zone Euro a éloigné la perspective d’une sortie de la Grèce de la zone monétaire. Mais, dans un pays où les salaires ont déjà baissé de 25% et où le taux de chômage a explosé, ces nouvelles mesures laissent peu d’espoir à la Grèce de sortir rapidement de la récession, d’autant que la Grèce doit toujours rembourser son immense dette de 312 milliards d’euros. Or dans l’accord, la possibilité d’un réaménagement reste assez flou et il n’est pas question d’effacer une partie de la dette. Seul un délai ou un étalement des paiements pourrait être envisagé. De plus, Aléxis Tsípras, confronté à une fronde de l’aile gauche de son parti, a annoncé sa démission le 20 août ouvrant la voie à des élections législatives anticipées du 20 septembre. En dépit de leur déception envers la politique menée par Aléxis Tsípras, qui a cédé à toutes les exigences des créanciers européens après des mois de négociations houleuses, les Grecs ont décidé à l’issue de ce scrutin (marqué par une forte abstention) de lui confier la mise en place des nombreuses réformes qui lui ont été demandées en échange d’un troisième plan d’aide afin de sortir la Grèce de la crise.
Julien L
Pôle Suivi et Gestion des Risques