Les Risques Climatiques

Les Risques Climatiques

Bien que la définition du risque climatique soit relativement claire, les répercussions restent aujourd’hui peu, voire non quantifiables vu la nature complexe de ce risque. En effet, plusieurs éléments entrent dans le chiffrage du risque climatique dont le niveau des émissions de carbone et l’évolution annuelle moyenne des températures.Naturellement, ces conséquences catastrophiques liées au réchauffement climatique provenant de la pollution et de la surexploitation des ressources naturelles sont aujourd’hui visibles, bien plus tôt que les prédictions des scientifiques : atteinte de températures record sur plusieurs décennies, fonte de glaciers, extinctions de plusieurs espèces animales…, ces conséquences sont naturellement directement liées aux entreprises opérant dans des secteurs tels que l’agroalimentaire et le tourisme.Nous verrons dans la présente fiche que ces conséquences s’étendent vers d’autres secteurs moins évidents tels que la finance ou la bancassurance. De quelle manière le risque climatique s’est introduit dans ces domaines ? Comment les métiers de la Finance, les produits financiers ou le contexte règlementaire vont devoir s’adapter à ces changements climatiques ?

DEFINITION DU RISQUE CLIMATIQUE

Le risque climatique est le risque lié à la vulnérabilité des entreprises par rapport aux variations des indices climatiques (température, précipitations, vent, neige…).

Cette définition a été complétée par la BCE en 2020 en introduisant les notions du risque physique qui fait référence aux impacts financiers du changement climatique.  Ainsi, le risque de transition représente la perte financière et les dépenses initiales que doivent effectuer les établissements, directement ou indirectement, dans leur processus d’adopter une approche plus environnementalement durable et d’une économie à plus faible émissions carbone. Ce risque peut provenir notamment d’une mise en place agressive de politiques climatiques et environnementales, du progrès technologique ou d’une altération des préférences collectives. Ces risques peuvent tous conduire à des pertes subies suite à des recours juridiques (aussi appelé « risque juridique ») et à des pertes de réputation du fait que les parties prenantes associent l’établissement en question aux dégâts climatiques (aussi appelé « risque de réputation »).

Il peut être rapidement quantifié dans le secteur du tourisme ou agroalimentaire ; baisse de fréquentation des sites touristiques, diminution des récoltes… Néanmoins, il a longtemps été plus difficile de le mesurer dans les domaines financiers et assuranciels qui utilisent un historique des données conséquent pour mettre à jour leurs analyses. Suite à plusieurs événements climatiques extrêmes ces dernières années, nous avons à présent un historique assez profond pour établir des estimations des risques climatiques auxquels sont exposés le système financier et plus généralement l’économie. La banque centrale européenne prévoit un test de résistance en 2022.

DEMARCHES REGLEMENTAIRES

Le contexte réglementaire sera un acteur clé dans l’accélération de la transition énergétique.

En France :

2015 : l’article 173 de la loi de la transition énergétique impose aux investisseurs institutionnels la prise en compte des risques environnementaux et sociaux dans leurs opérations d’investissement.

2017 : La Banque de France lance un « réseau de superviseurs pour le verdissement du système financier », une initiative qui a été rejointe par plusieurs homologues européens et qui forment maintenant un groupe de huit banques centrales qui visent à renforcer leurs efforts pour respecter l’Accord de Paris.

A l’International :

2017 : La TCFD (Task Force for Climate-related Financial Disclosures) publie son rapport d’évaluation du risque du changement climatique sur les entreprises et l’économie mondiale ; ou il propose un cadre de reporting des risques climatiques.

2020 : La TCFD publie un autre rapport où il apporte les résultats d’un état des lieux effectué auprès de plus de 1700 entreprises cotées sur trois ans (2017, 2018 et 2019). Les conclusions décrivent une amélioration des reporting liés au risque climatique mais un manque de mesure d’impact financier et d’adaptation des stratégies d’entreprises selon leur exposition aux risques liés à l’environnement. Le groupe de travail remarque un intérêt accru des régulateurs et des entreprises à une communication plus transparente sur les risques liés aux changements climatiques et à l’environnement. L’initiative de la TCFD sont donc soutenus par plusieurs acteurs sur le marché (investisseurs, associations environnementales…) et ce, partout dans le monde. En effet près de 700 organisations ont déclaré leur soutien à la TCFD, un chiffre qui a connu une croissance de 85% depuis 2019.

En Europe :

2020 : L’union européenne (UE) rejoint finalement la cause environnementale avec un objectif ambitieux, celui de rendre l’UE le premier continent neutre vis-à-vis du climat d’ici 2050. L’UE a prévu donc d’investir 1 milliards d’euros dans le « European Green Deal ».

La banque centrale européenne (BCE) publie son « guide relatif aux risques liés au climat et à l’environnement » par lequel les banques ont été appelées à effectuer dès le début de l’année 2021 une auto-évaluation de leur exposition aux risques climatiques et des attentes de la BCE en vue d’établir un plan d’action. Un examen complet des pratiques des banques ainsi qu’un test de résistance prudentiel sont prévus par la BCE en 2022.

Néanmoins, les efforts effectués par les banques et autres acteurs impactés par les risques liés au climat restent insuffisants. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a annoncé fin 2020 que « les politiques climatiques ne sont toujours pas à la hauteur de l’enjeu » car un seuil de « +1.5 °C » pourrait être dépassé dès 2024. Selon un récent rapport de l’ONG allemande Germanwatch, aucun des 58 pays qu’elle a passé à la loupe ne semble à même de tenir ses objectifs. La France, par exemple, a dépassé de 2,7 % le plafond d’émissions nettes de GES qu’elle s’était fixé pour 2019, selon l’observatoire Climat-Énergie. Le projet international Energy Policy Tracker note également que les pays du G20 ont annoncé au moins 234 milliards de dollars de financement public en faveur des énergies fossiles, contre 151 milliards pour les énergies « propres ».

VERS DES STRESS TESTS CLIMATIQUES

L’importance accordée à l’analyse du risque climatique dans le secteur financier grandit avec la multiplication des réglementations autour du risque climatique. Les plus grandes banques commencent donc à agir. La gestion du risque climatique repose généralement auprès des responsables de la gestion des risques environnementaux et sociaux et non auprès de ceux de la gestion du risque de crédit ou de marché. Une communication entre les deux directions serait envisageable dans le futur mais pour l’instant les gestionnaires de risques « classiques » manqueraient de compétences. Le risque réglementaire qui en découle doit également être pris en compte dans cette nouvelle organisation.

Certaines banques (JP Morgan, PNC et UBS) ont commencé à effectuer des stress-test climatiques sur leurs portefeuilles crédit. PNC, par exemple, examine comment certains risques, tels que des réglementations sur les émissions de carbone ou une baisse de la demande du pétrole, pourraient affecter un portefeuille spécifique. UBS a rejoint huit autres banques pour développer un outil de stress-testing en cas de sécheresse, à l’aide de Risk Management Solutions (RMS), une entreprise de modélisation de risque spécialisée dans les catastrophes.

L’article 173 de la loi de Transition Energétique de 2015, qui a rendu obligatoire le reporting des risques climatiques aux investisseurs institutionnels, évoquait également la mise en place de « tests de résistance réguliers représentatifs des risques liés au changement climatique », à l’image des nombreux stress-tests auxquels les banques sont soumises sur la base de scénarios de chocs des facteurs de risques dont la volatilité impacte les actifs des banques.

DES PRODUITS DERIVES CLIMATIQUES NAISSANTS

Les premiers dérivés climatiques sont apparus aux Etats-Unis vers 1997, lorsque l’entreprise américaine Enron, opérant dans le secteur de l’énergie, a voulu se protéger contre un hiver trop doux. L’entreprise a donc négocié un ‘swap’ avec Koch Energy qui stipulait qu’Enron devait verser à Koch 10 000$ pour chaque degré de température inférieure à la normale et Koch devait verser la même somme pour chaque degré supérieur à la normale.

D’autres entreprises ont suivi cet exemple et ont contribué au développement du marché des dérivés climatiques qui reste aujourd’hui beaucoup moins important que le marché traditionnel. La majorité des contrats sont encore négociés de gré à gré, néanmoins des produits standardisés existent et sont échangés sur Chicago Mercantile Exchange (CME), the Intercontinental Exchange (ICE) et le London International Financial Futures and Options Exchange (LIFFE).

En 2017, le groupe Speedwell Weather a lancé une plateforme qui met gratuitement à la disposition des acteurs sur le marché boursier des données météorologiques, des outils de structuration et un service de comparaison de prix.

Il n’existe toujours pas de modèle d’évaluation des dérivés climatiques similaire à la formule de Back-Scholes pour les prix, mais les prix sont évalués par plusieurs méthodes : tarification entreprise, tarification historique ou analyse Burn, ou encore la modélisation d’indice qui consiste à modéliser l’indice sous-jacent qui représente la variation climatique (par exemple les degrés-jours de chauffage cumulés saisonniers). Souvent, cet indice est modélisé par sa distribution, paramétrique ou non-paramétrique, des résultats historiques.

CONCLUSION

Le risque climatique est bien réel et impacte le secteur financier plus rapidement et plus intensément qu’on pouvait le croire il y a quelques décennies.

La gestion de ce risque au sein des parties prenantes (entreprises cotées, banques, sociétés d’investissement…) a beaucoup évolué ces dernières années mais reste néanmoins insuffisantes au vu de l’ampleur de l’exposition des de ces derniers aux risques liés au climat et à l’environnement. D’autant plus que la réglementation est de plus en plus précise et des objectifs ambitieux ont été décidés aux niveaux européen et international. Il est clair que le contexte réglementaire continuera à être l’acteur principal de l’accélération de la transition énergétique.

Zineb Kaoukabi, consultante CMG Conseil

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