
Afin de maintenir une marge toujours plus importante et face à un environnement des plus volatiles, les banques françaises tentent d’investir dans des transformations toujours plus rentables. Cette quête du graal aujourd’hui semble donc s’orienter vers la recherche d’activités à forte valeur ajoutée et donc réduire au maximum tous les couts pouvant être imputés. L’externalisation de diverses activités pourrait répondre à cet objectif mais semble encore limitée à certaines entités bancaires. Ce phénomène dont la tendance s’accélère, devrait toutefois s’accentuer d’ici les 5 prochaines années, entrainant un nouveau marché toujours important de sous-traitants touchant le digital, l’informatique ou encore la conformité. Face à un contexte cependant incertain, la croissance de cette tendance devient stratégique et se prépare…
De nombreuses incertitudes accélérant certaines décisions
Face à la vague de la crise sanitaire, les banques françaises assurent tenir le choc pour le moment notamment grâce à l’étendue de leurs activités. Les activités de gestion d’actifs sur les marchés financiers, celles de financement (avec le prêt garantie par exemple en France) ont participé à conclure l’année 2020 sur certains records. Les différentes banques d’investissement ont par exemple permis de porter les grands groupes financiers tout en compensant la quasi-absence d’activités des banques de détail, dramatiquement touchées par le tsunami de l’année que nul n’avait prédit.
Bien que la crise économique se fasse ressentir depuis l’arrivée du Covid-19 il y a un an, celle-ci ne semble pas encore se muer en crise financière rappelant des souvenirs de 2008. Les investisseurs ne semblent pas manquer à l’appel et les dispositifs mis en place après la crise des surbprimes ont permis d’assurer un soutien conséquent aux entreprises directement touchées. Toute l’incertitude de cette crise sanitaire est aujourd’hui tournée vers l’après et sur les retombées qui pourraient être observées les prochains mois.
De nombreuses enquêtes semblent malheureusement aller dans ce sens et prédisent une hausse conséquente de dépôts de bilan les prochaines années. A l’échelle nationale, cette tendance affichée est relativement inquiétante car le nombre de faillites pourrait dépasser les 20% en 2021 par rapport à 2020. Directement impactées, les banques ont jusqu’alors fait bonne figure mais ce risque de plus en plus accru, pourrait les contraindre à augmenter leurs financements. Autant de provisions jusqu’alors conservées, qui pourraient atteindre des records d’ici la fin du premier semestre. En première ligne face à ce bouleversement, les secteurs les plus touchés par cette crise comme le tourisme ou encore les entreprises de transports dont les difficultés ne sont plus à nommer.
L’onde de choc ne devrait pas s’arrêter à ce domaine puisque les activités de crédit bancaire pâtissent également de l’utilisation toujours plus fréquente des taux zéro. De fait, les marges possibles sont drastiquement réduites et ces activités s’en retrouvent directement pénalisées. Un phénomène observé qui malheureusement semble partagé, puisque de nombreuses banques européennes n’ont pas caché leurs inquiétudes quant à leurs futurs résultats des prochaines années. Face à ses impacts dont l’ampleur n’a pas encore été mesurée, certaines banques se mettent en ordre de bataille et se mettent à la recherche de nouvelles options.
L’externalisation, catalyseur des transformations
Suite à la crise des subprimes, de nombreux plans de transformation internes avaient été lancés au sein des banques françaises. Un objectif non dissimulé avait été mis en avant : mettre en place des économies d’échelles grâce notamment à un recentrage des activités autour des métiers bancaires les plus rentables. Nombreuses sont les banques à s’être tournée à marche forcée vers des processus de digitalisation de ces métiers mais aussi, vers l’optimisation interne de ces activités. La récente crise du Covid-19 a mis en exergue les différents manques et semble avoir accéléré les réflexions entourant un levier simple de rentabilité : l’externalisation.
Du point de mondial, les Etats-Unis faisaient alors office de précurseur puisque l’externalisation d’activités bancaires avait déjà été mise en place de manière massive, entrainant le développement de nombreux prestataires indépendants jusqu’alors inconnus sur le marché. Le but est relativement simple pour les entreprises faisant ce choix, diminuer ses couts de fonctionnement tout en se focalisant sur des activités stratégiques ou les marges sont plus conséquentes. La démarche d’externalisation est ainsi possible grâce à 3 facteurs :
- L’expertise métier dans un domaine donné ,
- Le volume traité afin d’en tirer des économies d’échelle,
- L’amélioration des organisations et leur efficience opérationnelle.
A l’étranger, nombreux sont les groupes bancaires à avoir pris la même direction : coopérer ou entamer une démarche de mutualisation. La seconde semble aujourd’hui porter le marché et notamment les activités de banques de détail. Les objectifs fixés d’optimisation pour celles-ci étant de taille, réduire la masse salariale notamment sur les fonctions support n’est pas à une décision à prendre à la légère. Les réticences reposeraient principalement dans la perte d’expertise, entrainant des investissements additionnels afin d’assurer la bonne formation et le partage de bonnes pratiques sur ces activités clés pour les activités de détail n’offrant que peu de marge.
Du côté français, le choix des groupes BNP Paribas ou encore Axa, s’est tourné vers l’externalisation de ses activités et semble prendre de l’ampleur. D’autres semblent pourtant faire le choix pour leurs activités de la mutualisation comme :
- BNP Paribas avec notamment son activité de financement d’actifs et la gestion des crédits,
- COPARTIS qui propose la gestion des étapes de valeur des titres financiers,
- Ou encore Oddo BHF offrant une solution « front to back» clé en main, constituée d’outils et de services à destination de ses activités de banque privée
Plus rentable, la crise sanitaire a également vu l’arrivée de nouvelles formes facilitées par le télétravail comme l’émergence du video-banking. Sur des activités de Front et afin de conserver une proximité client, ces nouvelles solutions de services videos pourraient prendre de l’importance et accompagner les objectifs de transformation digitale que mettent en oeuvre les grands groupes. De nombreuses opportunités sont à saisir et ont bénéficié de la crise pour se faire connaître. L’intégration de celles-ci se prépare et n’est pas à prendre à la légère.
Risques & incertitudes, une préparation de longue haleine
Bien que l’externalisation semble présenter de nombreux avantages, sa mise en place peut s’avérer délicate tout comme son efficacité à long terme. De nombreux risques sont en effet à prendre en compte comme la possible dépendance avec le prestataire, assurer la continuité d’activités pour les salariés dont la mission est externalisée ; autant de problématiques pour laquelle une cartographie claire est nécessaire.
S’appuyer sur un solide partenaire semble aussi être la clé de la manœuvre. Afin d’assurer la continuité des activités à la hauteur des attentes, l’expérience mais aussi la structure entourant ces équipes externes se doit d’être en capacité de répondre aux besoins. Il en va de même pour les infrastructures informatiques par exemple, dont la mise en conformité avec les exigences du pays d’origine est primordiale avant d’entamer une collaboration fructueuse.
Autre point des plus importants, la formation des équipes externes ne peut être négligée puisqu’elle est le gage de succès de ces projets d’externalisation. Le groupe BNP Paribas a par exemple mis en place des référentiels communs, partagés entre l’ensemble de ses collaborateurs afin de réduire le risque. L’unification de ses pratiques et outils a permis une plus rapide prise en main des équipes externes et d’atteindre rapidement, les objectifs fixés en amont.
C’est le cas notamment des Caisses Régionales du groupe Crédit Agricole qui innovant sur le marché, avait alors fusionner certains de ses pôles de compétences régionaux, devenant un exemple dans la démarche de mutualisation interne. Grâce aux ressources et référentiels communs, l’effort majeur avait alors été tourné vers des problématiques logistiques amoindrissant le risque de mauvaises surprises a posteriori.
Notons que si ces démarches sont aujourd’hui de plus en plus fréquentes, celles-ci sont observées de près par les différents organes gouvernementaux nationaux mais également européens. En France, c’est le cas de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) qui en a la charge. Chaque projet d’externalisation touchant à une industrie importante comme les activités bancaires, doit être transmis à cette autorité. Une nouvelle forme de contrôle qui assure notamment d’encadrer ces décisions impactant la part salariale en France.
Qu’elles soient impactées par les marchés ou la crise sanitaire, les banques s’accommodent des incertitudes et semblent continuer à porter divers programmes de transformation interne à terme. L’enjeu est de taille : uniformiser, automatiser ou même continuer la digitalisation de ses activités, autant de chantiers d’envergure permettant aux banques de rester compétitives sur les marchés. Contraintes cependant de s’acquitter d’un investissement de taille, les banques s’appuient aujourd’hui sur les économies d’échelle d’hier. Mutualiser ses ressources ou les externaliser sont deux solutions dont les avantages ne sont plus à prouver, reste à se lancer de nouveaux objectifs pour les prochaines années.
R.Barbaste, consultante CMG Conseil