Marché Equity : Agitation passagère ou inquiétude réelle ?

Marché Equity : Agitation passagère ou inquiétude réelle ?

Comment analyser les mouvements de volatilité du marché Equity, quelles en sont les causes ? Arrive-t-on à un point de convexité indiquant une modification nette de la tendance de fond ou doit-on penser que la nouvelle variabilité du marché n’est que son juste reflet ?

Depuis 2015, le marché Equity a toujours gardé le cap à la hausse, après une fin d’année 2014 tumultueuse. Afin de pouvoir illustrer au mieux les évolutions numériques, nous allons prendre un marché suffisamment liquide et corrélé aux autres marchés Equity internationaux, nous nous focaliserons donc sur le CAC40. Retour en 2014, où le CAC arrivait péniblement à se maintenir au-delà des 4000 points. Dévaluation du Yuan et crise grecque en juillet 2015 avec des dommages boursiers évalués à 5000 milliards de dollars[1], baril de pétrole à $26 en février 2016[2], début 2017 le CAC revient à son niveau de mi-2015 à 5000 points. Ensuite viennent les évènements de 2018, considérée comme « la pire année de la bourse depuis les années 30 » qui au final ne laisseront pas le CAC descendre en deçà de 4500 points avant de voir à retour à 5500 début 2019. Enfin, le COVID début 2020, avec une baisse spectaculaire jusque 3600 points et après plusieurs mois d’attente, une hausse ininterrompue jusque juin 2021 à plus de 6800 points, à un niveau similaire à celui de 2000[3].

Le CAC40 de 2000 à 2021, source : zone bourse

Analyse du contexte macroéconomique

Le marché Equity est fortement corrélé à l’économie réelle, aussi, l’analyse macroéconomique est déterminante dans l’appréciation de la justesse d’un cours. Aussi, depuis le mois de septembre 2021 plusieurs évènements ont ébranlé la confiance des marchés. Tout d’abord quelques inquiétudes, la période « post-Covid » même si cet évènement est encore présent, a montré des signaux encourageant de reprise d’activité, les restaurants, lieux de culture et autres aéroports ont vu leurs volumes exploser, cela est dû à la forte épargne qui a eu lieu durant les périodes de confinements et de restriction de déplacement[4][5]. Ces dernières abandonnées, les consommateurs ont pu laisser libre court à leur désidérata et faire ce qu’ils ne pouvaient plus faire depuis quasiment un an. Les résultats début aout 2021 étaient tous impressionnants, avec une croissance des bénéfices de 27.7% par rapport au premier semestre 2019[6]. Il est également à noter le risque de plus en plus apparent d’une inflation mondiale, la hausse brutale de la demande ne pouvant être suivie par les entreprises[7]. Cette amélioration sans précédent n’est cependant pas suivie par le climat des affaires, notamment en Allemagne avec l’indicateur « ZEW », cet indicateur, particulièrement suivi du marché Equity, a noté un net relâchement dès aout 2021 avec une confirmation nette au mois de septembre 2021.

Indicateur « ZEW » d’octobre 2019 à septembre 2021, source : Forex Factory

Aussi, les marchés étaient particulièrement attentifs à un élément clef, la fixité du prix du pétrole. Dans une période de fébrilité, cette stabilité était un point d’ancrage important permettant aux différents acteurs économiques de recommencer à générer des flux à une volumétrie bien plus en rapport avec leur attentes et projections. Cependant, comme stipulé par l’INSEE dès le mois de juillet[8], les prix pétroliers se sont envolés, avec un baril signant une augmentation de 81% sur les 12 derniers mois. Cet évènement prend place dans un contexte global de déséquilibre entre l’offre et la demande des matières premières conduisant à une hausse de ces dernières auxquelles s’ajouter une augmentation détonante du prix du gaz naturel et de l’électricité[9][10].

Prix du gaz de janvier 2015 à septembre 2021, source : CRE (Commission de Régulation de l’Energie)

A noter également la crainte d’un décrochage du marché obligataire, avec un défaut potentiel des états unis lié au plafonnement de la dette[11]. La date limite du 18 octobre 2021 sera le point final donné pour statuer sur le défaut de paiement américain même si un accord préalable a été trouvé entre les démocrates et les républicains pour un relèvement de $480M jusqu’à décembre.

Enfin, la dernière annonce concerne l’affaire Evergrande. Considérée comme intouchable depuis plusieurs années, Evergrande se voit affublée d’un montant avoisinant les 300 milliards d’euros de dette (ce qui équivaut à la dette de la France à la fin des années 1980…), cette affaire, fortement médiatisée, n’est pas problématique que pour la société et ses partenaires commerciaux directs, mais bien pour l’intégralité de la stabilité économique chinoise, certains promoteurs immobiliers en Chine, autres que Evergrande, ont fait défaut[12].

Ce contexte de contagion est celui que redoutent les marchés car les leçons du passés ont montré que ces contagions sont bien plus rapide et tentaculaire qu’estimées initialement

Analyse descriptive des mouvements de juin à septembre sur le CAC40

Au cours des trois derniers mois, une variabilité notable peut être constatée sur le marché, contrairement à la hausse progressive depuis le mois de novembre 2020, avec un lissage quasi plat, les premiers mouvements vers la fin du mois de juin ont été marqués par une baisse de 320 points, premier mouvement pouvant être a postériori analysé comme reflétant les premières tendances inflationnistes dès fin juin[13], puis la pression du pétrole s’est fait sentir enclenchant une stabilité attentiste début juillet[14]. Un premier réel test aura lieu avec la publication des minutes de la FED[15], qui même si elles n’apporteront absolument aucune nouvelle information notable, reflètera la forte réactivité du marché aux nouvelles de court terme. Le dernier mouvement préalable à la hausse de plus de 500 points de 6350 à 6850 points sera celui d’une reprise potentielle du COVID fin juillet avec les cas dans le sud de la France[16].

CAC40 de mai 2021 à septembre 2021, Source : Boursorama

Après cette première phase, l’accalmie autour du possible rebond sévère lié aux contaminations Covid s’est alliée avec une hausse des valeurs du luxe portant le CAC40 à 6550 points[17], puis cette embellie s’est poursuivie avec l’annonce des résultats macroéconomiques[18]. Les séances suivantes ont été marquées par assez peu de mouvement, avec notamment une séance historique, avec la séance du 9 août 2021, la moins volatile depuis 30 ans, en dépit de l’habituelle diminution des volumes pendant le mois d’août, le marché attendant, encore une fois, des nouvelles concernant l’inflation, décidemment l’épée de Damoclès qui pèse sur les marchés.[19]

Le coup d’estoc à une augmentation historique a été porté par les premières inquiétudes sur les marchés chinois, bien avant que l’affaire Evergrande ne vienne prendre les devants des actualités[20]. S’en suit un décrochage fort avant les nouvelles de la Fed (renforçant encore une fois la crainte du marché d’une annonce contraire aux attentes) allié à un repli du luxe, corrigeant ainsi le mouvement généré par ce secteur sur les indices mondiaux quelques jours auparavant, atteignant son plus haut quasi historique[21]

S’en suit une séance assez inhabituelle sur les marchés Equity, qui deviendront légion de fin août à aujourd’hui, la séance du 24 août 2021 est marquée par une hausse de 0.4% en début de séance puis une baisse de 0.7%[22]. Depuis, ces séances incertaines, attentistes et sur réactive dans la même journée à quelques dizaines de minutes d’écarts qui seront de nouveau marqué par la menace de l’inflation quelques jours plus tard, accentuant ces fluctuations intraday[23]

Quelques effets notables seront à souligner, comme l’annonce à mot couvert par la BCE de réduire les soutiens[24] et évidemment l’émergence des problématiques liés à Evergrande et plus largement au marché chinois.[25]

Bullet points des questions ouvertes sur la fin d’année 2021 ?

  • Evergrande et le marché chinois : le marché a pour le moment accepté une certaine inquiétude, tant que cette dernière ne s’accentue pas.[26]
  • Taux obligataire : malgré la tempérance des banques centrales, que va donner le marché obligataire d’ici la fin de l’année, surtout en cas de franchissement du plafond de dette aux USA ?[27]
  • Inflation : après le confinement et la destruction de certains emplois, induisant des problèmes d’approvisionnement et plus largement d’offre de biens et services, comment lutter contre la hausse des prix ?
  • Pétrole : l’entente actuelle portant le prix du baril au-delà des $80 est une première depuis 3 ans mais est-elle la fin d’un mouvement haussier ? Quelles conséquences sur le reste de l’économie

Loïc KOLODZIEJCZAK, consultant CMG Conseil

[1] https://www.lesechos.fr/2015/09/aout-2015-a-ete-le-pire-mois-boursier-depuis-quatre-ans-252995
[2] https://investors-corner.bnpparibas-am.com/fr/investissement/performance-marches-actions-2016/
[3] https://www.latribune.fr/bourse/bourse-de-paris-le-cac40-touche-son-plus-haut-niveau-depuis-septembre-2000-890144.html
[4] https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021
[5] https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-cac-40-se-hisse-a-6500-points-au-plus-haut-en-20-ans-1404942
[6] https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/La-crise-n-est-plus-qu-un-mauvais-souvenir-pour-les-societes-du-CAC40–36082135/
[7] https://www.imf.org/fr/News/Articles/2021/10/06/blog-ch2-weo-inflation-scares
[8] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5408515
[9] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5431504?sommaire=5431514
[10] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15197
[11] https://www.challenges.fr/finance-et-marche/rebond-des-actions-en-europe-hausse-des-rendements-obligataires_783542
[12] https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/06/chine-apres-evergrande-un-nouveau-promoteur-immobilier-fait-defaut_6097333_3234.html
[13] https://bourse.lefigaro.fr/actu-conseils/le-cac-40-en-tendance-cette-semaine-20210630
[14] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-seance-de-transition-bonne-tenue-petrole-et-banques-0b5ed09bc9325bef67eb3a1c5a319d8b?symbol=1rPCAC
[15] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-chute-vers-6400pts-apres-les-minutes-de-la-fed-32c69057a1023cd0aaefb4053da2f049?symbol=1rPCAC
[16] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-chute-vers-6300-nouvelles-inquietudes-sur-le-covid-22c6042596ee61d138fbc7df6e9185a3?symbol=1rPCAC
[17] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-renoue-avec-les-6-550-gain-hebdo-1-4-annuel-18-94378b1c074a0bb881ca04770b7a0fc5?symbol=1rPCAC
[18] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-en-direction-des-6700-apres-une-vague-de-resultats-2d0ff9794da2ae106aa6d0bff269f92a?symbol=1rPCAC
[19] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-vers-sa-seance-la-moins-volatile-en-33-ans-d-histoire-42aeb15690e7f3677297427c6d9429ff?symbol=1rPCAC
[20] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-recule-de-0-8-des-indicateurs-chinois-decoivent-87d7421b1c57dfe17b109876884452b5?symbol=1rPCAC
[21] https://www.lerevenu.com/bourse/le-cac-40-se-rapproche-de-ses-plus-hauts
[22] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-inverse-la-vapeur-de-facon-relativement-inattendue-e662126bcbfecfc42aa8dc0546466bbe?symbol=1rPCAC
[23] https://www.lerevenu.com/bourse/le-cac-40-finit-mollement-le-mois-daout
[24] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/la-bce-amorce-prudemment-la-reduction-de-ses-soutiens-aux-marches-0b310d1d04e58d5b84c142d6234d8b1e?symbol=1rPCAC
[25] https://www.boursorama.com/bourse/actualites/cac40-l-indice-cede-sous-le-poids-des-incertitudes-771da3e52f4035e672d5ea4d5b9eac17?symbol=1rPCAC
[26] https://www.leprogres.fr/economie/2021/10/04/evergrande-trois-questions-pour-comprendre-la-crise-immobiliere-qui-menace-la-chine
[27] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/inflation-et-hausse-des-taux-obligataires-font-reculer-les-marches-boursiers-20210928

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