
Rêvée dans les années 1970, débutée dans les années 2010, la vision de produits financiers responsables est devenue réalité depuis 2020. Véritable engouement des investisseurs, les institutions financières ont dû s’adapter à cette nouvelle demande et créer des produits conformes aux attentes. Considérée par ses détracteurs comme une théorie invalide, le label ISR (Investissement Socialement Responsable) a été créé en 2016 et a depuis su acquérir un statut de produit financier indéboulonnable.
Description de la démarche ISR
La démarche ISR est avant tout dogmatique. Il s’agit, comme pour l’achat de certains bien de consommation, de lier nécessité humaine avec conscience sociale et environnementale. Parmi les critères les plus connus qui discriminent si un produit est considéré comme ayant le « label » ISR ou non, les critères ESG (Critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont aujourd’hui sans aucun doute les plus connus.
La question de ce label est difficile à cerner car elle juxtapose plusieurs critères, certains pouvant être considérés comme objectifs et factuels et d’autres plus subjectifs[1].
Dans les critères objectifs, nous pouvons compter l’empreinte écologique d’une entreprise, mesure de l’impact exercé par celle-ci sur son environnement, et ce sur plusieurs éléments, pouvant aller de l’émission de CO2 liée aux transports, aux résidus écologiquement dangereux lié à l’activité d’une entreprise, etc.[2] Même si la démarche est compréhensible, l’empreinte écologique est cependant dépendante des données fournies par l’entreprise, ainsi, seule les entreprises montrant « patte blanche » peuvent être considérées positivement sur ce sujet.
Une autre composante potentielle des attributs ESG objectifs concerne l’investissement durable. Cet attribut répond plus à un objectif de pérennité de l’entreprise et donc une vision plus long-terme de son activité[3]. Les entreprises essayant d’améliorer leur machine afin de les rendre moins consommatrices en électricité et en matières premières, celles qui mettent l’accent pour former un maximum leur salarié afin de les responsabiliser dans leurs tâches et de leur offrir de meilleures conditions de travail sont des entreprises reconnues positivement sur l’investissement durable.
Dans les critères subjectifs, l’ESG peut également intégrer la volonté affichée par les dirigeants, ainsi, des dirigeants peuvent communiquer activement sur les problématiques sociétales ou environnementales ou encore participer à des campagnes comme mécène pour soutenir une association ou une cause portant sur l’un des trois attributs du critère ESG. Ces critères sont également difficiles à quantifier car il peut exister une grande distinction entre les déclarations de l’entreprise et la réalité de son implication.
Un autre pan de la démarche ISR est l’exclusion de certaines entreprises ou de certains secteurs pour des raisons autre que la rentabilité. Des entreprises œuvrant dans le secteur des armes, de la pornographie, de l’alcool ou du tabac peuvent être « black listées » de l’horizon d’investissement des produits ISR.[4]
De même une entreprise ayant une activité qui entraîne une déforestation, une dégradation des terres arables, ayant dans sa propre structure ou dans ses fournisseurs une entreprise ne respectant pas les normes environnementales sera de facto exclue des produits estampillés ISR.
Enfin les entreprises pratiquant elles-mêmes ou indirectement (fournisseurs, clients, …) le dumping, l’esclavage moderne ou ne respectant pas les droits de l’homme, ne peuvent prétendre à un label ISR.[5]
Outre les critères déterminant la liste des entreprises, l’ISR se distingue également dans la manière dont les investisseurs gèrent leurs actifs. Contrairement à une activité de marché ou d’investissement classique qui n’hésite pas à multiplier les flux afin de maximiser la rentabilité. La dogma ISR privilégie le maintien de la confiance dans des entreprises responsables, même si cette dernière est en difficulté. Du moment que l’entreprise continue, malgré ses difficultés à maintenir le cap dans l’idée d’être reconnue comme entreprise ayant la démarche ISR, les investisseurs peuvent conserver leur position bien plus longtemps que dans un actif non ISR. [6]
Analyse des produits de l’ISR durant les années 2020-2021
Avec la prise de conscience écologique et sociale, les ISR ont connus une grande croissance durant les années 2010, cependant, les ISR peuvent réellement être considérés comme faisant partir du gotha à partir de 2020.[7]
La communication des banques mondiales sur les produits ISR s’est emballée suite au rehaussement d’intérêt qui a été constaté durant l’année 2020. Est-ce dû à la pandémie ? A certains acteurs mettant l’accent sur les conséquences environnementales ? Difficile à estimer. Cependant, un fait est incontestable : l’ISR est devenu un produit attractif, grand public et sociétalement irrésistible[8].
Face à cette demande, les entreprises financières ont donc dû réajuster leur catalogue client afin de répondre à cette manne. Aussi, les diversifications des produits concernant ce label ont dû être faites pour répondre à la demande toujours plus irrépressible. Des associations, voyant en ce label un moyen de mettre en exergue les enjeux majeurs de ce siècle communiquent énormément, ce qui crée une externalité positive pour les banques, ayant, de part ce fait, une publicité phénoménale et visiblement inaltérable.
Le profil ESG est devenu tellement attractif que même les pays commencent leur course pour être dans les pays les mieux considérés sur ce critère, une bonne note dans ce domaine rayonnera forcément sur les entreprises qui sont sienne.[9] L’impact mondial est donc grand et les retours tant commerciaux que sur la réputation du pays à l’international. Certains pays commencent d’ailleurs une communication détaillée démontrant leur talent à générer du P&L estampillé ISR[10]
Enfin, des fonds d’investissements spécialisés dans les produits ISR ont vu le jour. Ces derniers communiquent évidemment beaucoup pour assurer leur investisseur de la solidité de leur actif mais aussi de la bonne pratique qui découle des mouvements opérés sur le marché.[11]
Quel avenir pour les produits de l’ISR, limites et axes de développement
Le label ISR est fondamentalement bon pour l’Homme, cependant, est ce que cette belle initiative peut être détournée de ses engagements ? Evidemment et l’histoire nous en donne de multiples exemples. Comment ces labels peuvent-ils être anéantis ou du moins perdre de leur superbe ?
Tout d’abord, le label ISR n’est pas le seul. Un label Greenfin ainsi que le label Finansol existent également. Greenfin porte sur les entreprises opérantes dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles et Finansol sur des produits d’épargne intégrant des notions de solidarité. Si une entreprise travaille avec un fournisseur de gaz qui ne respecte pas certains des critères nécessaires au label ISR, doit-elle avoir ce label ? Peut-elle réellement feindre de ne pas savoir ?
Comme tout label, il est décerné par un comité, pouvant être influencé ou trompé par les entreprises. Et comme tout label basé sur des métriques, il dépend de l’honnêteté des contributions des entreprises souhaitant ce label. [12]
Rappelons que des manipulations de cours dans le monde entier ont été prouvées basés sur les contributions des banques sur le Libor et cela il y a juste quelques années. Ce sont ces mêmes banques qui vont créer les produits financiers estampillés ISR, auront-elles appris ou la tentation deviendra-t-elle trop forte ?
Considérons nécessairement que le cas précédent ne se produit pas. Nous pouvons ouvrir ainsi la possibilité de multiples labels, que nous appellerons pour l’exemple ISR, ISR +, ISR* et ISR « excellence ». Comment un investisseur va-t-il se repérer sur l’impact réel d’un investissement ISR+, Finansol « excellence » ? Que cela signifiera-t-il réellement pour lui ?
Mais le label ISR peut également, avec la volonté de chacun devenir le nouvel eldorado responsable qui conduira la finance internationale à un âge d’or. Les pistes de développement sont alors nombreuses, comme certains marchés encore inexplorés comme la Chine[13]
Les états peuvent également prendre part à cet essor en attribuant une fiscalité différenciée si les revenus dépendent d’une entreprise ISR ou non
Ces suggestions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, restent des conjectures, mais les années à venir nous dirons si les labels ISR deviendront réellement le financement qui sera considéré comme « classique » d’ici peu.
Loïc KOLODZIEJCZAK, consultant CMG Conseil
[1] https://www.finance-investissement.com/nouvelles/produits-et-assurance/necessaire-reddition-de-comptes-sur-les-enjeux-esg-harmonises-a-lechelle-mondiale/
[2] https://www.bl-evolution.com/lempreinte-ecologique-concerne-entreprises/
[3] https://www.blackrock.com/fr/intermediaries/themes/investissement-durable
[4] https://www.economie.gouv.fr/facileco/linvestissement-socialement-responsable
[5] https://redshift.autodesk.fr/pourquoi-investir-dans-une-demarche-esg/
[6] https://www.afg.asso.fr/wp-content/uploads/2010/01/RAF_n_34_ISR_PARDO_VALLI.pdf
[7] https://www.morningstar.fr/fr/news/211508/quelle-a-%C3%A9t%C3%A9-la-performance-des-fonds-esg-au-1er-trimestre-.aspx
[8] https://paperjam.lu/article/essor-considerable-fonds-esg
[9] https://www.morningstar.fr/fr/news/211532/atlas-du-d%C3%A9veloppement-durable-2021.aspx
[10] https://paperjam.lu/article/essor-considerable-fonds-esg
[11] https://www.hellocarbo.com/blog/communaute/fonds-isr/
[12] https://www.finance-investissement.com/nouvelles/produits-et-assurance/necessaire-reddition-de-comptes-sur-les-enjeux-esg-harmonises-a-lechelle-mondiale/
[13] https://www.morningstar.fr/fr/news/206184/la-chine-mal-noteacute%3be-sous-lrsquo%3bangle-esg-et-chegrave%3brement-valoriseacute%3be.aspx