
Les tests de résistance à l’échelle européenne et américaine sont dirigés respectivement par l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) et la Réserve Fédérale Américaine (FED). Les deux tests de résistance visent à évaluer la résistance des banques à différents chocs hypothétiques. Cependant, seules les plus grandes banques y participent.
Le but de cet article est de donner un aperçu de la comparaison des scénarios macro-économiques fournis par l’ABE par rapport à la FED.
Quelles sont les potentielles différences entre les scénarios macroéconomiques ainsi que les hypothèses retenues entre les deux visions de l’exercice ?
Stress test ABE (UE) vs FED (US)
L’une des différences que l’on peut facilement identifier entre le test de résistance américain et européen est le fait que la FED publie trois scénarios : de base, défavorable, très défavorable. L’ABE, quant à elle, ne publie que deux scénarios (l’un de base et l’autre défavorable). En outre, la FED exige que les BHC fournissent un scénario de base interne et, au moins, un scénario de crise interne. Ces scénarios internes supplémentaires ne font pas partie des tests de résistance à l’échelle de l’UE. L’approche de la FED est plus complète : les deux scénarios de stress prudentiels évaluent la sensibilité de la rentabilité et des risques à la gravité de scénarios donnés, tandis que les scénarios internes complètent cette vision en abordant les vulnérabilités spécifiques de chaque banque.
Les scénarios européens et américains sont matérialisés par une série d’indicateurs macroéconomiques agrégés tels que :
- Le PIB,
- Les taux d’intérêt à court terme,
- Le taux de chômage,
- Le taux d’inflation,
- Les prix de l’immobilier résidentiel et commercial.
Au total, la FED publie les projections pour 28 indicateurs avec un récit économique clair et une comparaison avec le scénario de l’année dernière. En revanche, l’ABE ne fournit pas explicitement les valeurs projetées pour tous les indicateurs et chaque scénario est dérivé de quatre risques systémiques généraux menaçant la stabilité financière de l’UE. Toutes ces informations combinées peuvent donner plus de place aux banques pour interpréter les scénarios, d’où un manque potentiel de comparabilité des résultats.
Dans ce billet, nous comparons les tests de résistance à l’échelle de l’UE aux tests de résistance de la Réserve (FR) selon deux dimensions : le choix des scénarios macroéconomiques et les hypothèses caractérisant chaque vision de l’exercice.
Choix de scénarios macroéconomiques
L’ABE publie deux scénarios de surveillance de stress tests à l’échelle de l’UE. Les scénarios macroéconomiques se composent d’un ensemble d’hypothèses et de variables financières sur une période de trois ans ainsi que :
- Des mesures de l’activité économique,
- Des prix,
- De l’évolution des capitaux propres et du marché de l’immobilier
- Des taux d’intérêt.
La FED évalue la résilience des banques américaines sous trois scénarios de surveillance: de base, défavorable et sévèrement défavorable. Pour les tests de résistance de 2016, le scénario extrêmement défavorable aux États-Unis entraîne une forte récession intérieure, une faiblesse de la zone euro ainsi qu’un net ralentissement dans les pays en développement d’Asie.
Regardons maintenant la comparaison des valeurs projetées pour un indicateur macroéconomique clé: la croissance du PIB réel en Europe.
Nous observons certaines différences même sous la ligne de base (voir la figure ci-dessus), bien que cela soit censé refléter une prévision normale pour la période 2016-2018.
La base de référence de l’ABE est en réalité plus optimiste que celle fournie par la FRB sur la même période.
Nous pouvons également observer que les chocs relatifs (défavorables / de base) appliqués à ces prévisions n’ont pas la même ampleur (voir figure ci-dessous).
La FED applique un choc brutal, tel que la crise de 2008, suivie d’une reprise rapide alors que l’EBA envisage un choc plus faible qui dure plus longtemps.
C’est la démonstration de la différence d’appréciation des économies européennes et américaines.
Alors que 11 indicateurs macroéconomiques sont projetés en Europe pour chaque pays et/ou région, la série de 28 hypothèses émises par FRB intègre 18 indicateurs qui couvrent les États-Unis et 3 indicateurs pour chacune des 4 juridictions ou blocs de pays répertoriés dans son scénario :
- Variation du produit intérieur brut (PIB) réel,
- Variation de l’indice des prix à la consommation (IPC),
- Variation du taux de change du dollar américain.
Les hypothèses de l’exercice : l’approche de l’UE
Les banques de l’UE utilisent leur propres modèles internes, qui doivent être préparés conformément à un ensemble commun d’hypothèses et un cadre d’analyse qui sont spécifiés par l’ABE. Lors de la préparation de leurs projections, les banques de l’UE maintiennent l’hypothèse de stabilité du bilan : ainsi les actifs et passifs qui atteignent la maturité dans l’horizon temporel des tests de résistance sont remplacés par des instruments financiers similaires.
Afin de mesurer l’impact des scénarios macroéconomiques de risque de crédit, les banques utilisent les mêmes modèles internes qu’ils utilisent pour calculer les actifs pondérés en fonction des risques RWA selon Bâle III afin de quantifier la probabilité de défaut et de perte en cas de défaut pour chaque exposition.
L’impact du risque de marché est évalué en appliquant un ensemble commun de contraintes compatibles avec les conditions défavorables du scénario macroéconomique sur les paramètres du marché pour estimer les pertes mark-to-market de leur portefeuille de trading.
Les banques prennent aussi en compte le risque de crédit de contrepartie en supposant que les deux plus vulnérables de leurs dix plus larges contreparties font défaut et en estimant les pertes résultant d’ajustements de la valeur du crédit issue de cette détérioration de la qualité du crédit de leurs contreparties.
La FR prend en charge à elle seule les simulations en utilisant ses propres modèles d’estimations du risque de crédit, de RWA, des revenus nets ainsi que du bilan des banques et des ratios de capital après les scénarios de stress.
Ces estimations utilisent une approche spécifique qui ne tient pas compte forcément des particularités du bilan de chaque banque. Par exemple, pour les pertes de crédit, la FR estime la probabilité de défaut, la perte de cas de défaut et l’EAD pour chaque ligne de crédit. Concernant les prêts Corporate, la FR tient compte des ratings internes des contreparties de chaque banque.
L’estimation des RWA est faite sous la méthode Standard pour toutes les banques sujettes à cet exercice.
En effet, l’utilisation d’un modèle commun à toutes les banques pour les estimations d’impact des scénarios macroéconomiques de stress oblige la FED à émettre des hypothèses simplificatrices qui pourraient donner des résultats sans parfaite adéquation avec la réalité du marché financier et des caractéristiques des différentes banques de l’US.
La majorité des hypothèses simplificatrices de la FR ne sont pas divulguées et c’est difficile de mesurer leur adéquation avec les modèles internes aux banques américaines ou aux hypothèses utilisées dans la version européenne de l’exercice.
Notons que les projections des revenus PPNR réalisés par la FR utilisent des données publiées dans les rapports réglementaires. Cependant, une modélisation réussie de la profitabilité d’une banque requiert de tenir compte d’un niveau de granularité plus spécifique et qui figure dans les modèles internes des banques.
Au regard des scénarios macroéconomiques des stress tests de l’EBA et de la FED, ils ne reposent pas exactement sur le même ensemble d’hypothèses, une comparaison ligne par ligne simple entre les scénarios américains et européens n’est pas réalisable.
Néanmoins, certaines hypothèses courantes que nous avons pu comparer dans cette note a permis d’analyser les tendances et les différences entre les scénarios défavorables (américains et européens) et très défavorables (américains).
La comparaison des données n’est pas toujours évidente mais elle donne une idée générale de la capacité des grandes institutions financières à absorber les chocs et à faire preuve de résilience dans un contexte économique et réglementaire de plus en plus exigent.