
À la suite des dernières crises mondiales du secteur bancaire survenues depuis 2008, le paysage financier s’est métamorphosé. D’une part, les clients des banques et des différents établissements financiers sont devenus plus méfiants et exigeants ; d’autre part, certains des collaborateurs des institutions financières ont quitté ces institutions historiques et utilisé leurs compétences pour créer des sociétés destinées à bouleverser le secteur financier. Nouvelles technologies, automatisation des processus, exploitation de nouveaux segments de clientèle sont autant de facteurs qui permettent à ces start-ups de s’immiscer sur ce marché et de se positionner en concurrents potentiels des grandes banques mondiales.
Un marché prometteur
Le terme FinTech est apparu pour la première fois en 2008. Il combine les termes « Finance » et « Technologie » : il désigne une startup qui utilise les nouvelles technologies en général pour repenser les services financiers. Ces entreprises ont pour but de proposer des services plus simples et plus accessibles, tout en offrant des services de qualité et moins coûteux.
Ce secteur se découpe aujourd’hui en 5 activités :
L’investissement mondial dans les FinTech représentait 12.2 milliards de dollars en 2014 (soit le triple des investissements de 2013)1 pour un marché d’environ 1040 acteurs2. On peut ici citer Lufax, LendingClub ou Square parmi les plus grandes FinTech au niveau mondial, cumulant 22.5 milliards de dollars de valorisation.
Le marché français suit cette tendance avec un léger retard mais crée un engouement croissant depuis environ un an et atteint la somme de 21 millions de dollars investis sur la même période (5ème position en Europe) provenant de diverses sources : business angels, incubateur, partenariat, fonds de capital-risque, etc.
Génération digitale
Un autre facteur s’ajoute à cette équation avec l’émergence d’une clientèle aux nouveaux besoins, généralement appelée « Génération Y » (personnes nées approximativement entre le début des années 1980 et le début des années 2000) ou plus récemment « Génération D » (génération Digitale). Cette population se démarque par sa propension à adopter les nouvelles technologies, et se distingue par l’omniprésence des canaux digitaux dans la vie quotidienne de ces générations. Ce comportement « digital » aura un impact de plus en plus important sur la relation entre ces clients potentiels et les différentes institutions financières. En effet, la génération Y deviendra dans les années à venir une tranche démographique stratégique. De plus, sur le secteur de l’épargne, cette cible se retrouve souvent démunie face à une offre souvent trop complexe. Cette clientèle potentielle se retrouve livrée à elle-même face à un grand nombre d’outils, de sources d’informations ou de données. Concernant son épargne, le client cherche avant tout une vraie relation ainsi qu’un suivi personnalisé avec son conseiller.
Une alternative à l’épargne traditionnelle
Depuis peu, le secteur de l’épargne suscite un intérêt tout particulier pour les FinTech.
Par exemple, aux États-Unis, les pionniers du secteur, tel que Wealthfront, gèrent d’ores et déjà plus de 2 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ces start-ups de l’épargne, dont le but est de « démocratiser la gestion de fortune » comme l’indique Yomoni, soulignent que « l’allocation d’actifs des français est loin d’être optimale ». Pour rappel, le patrimoine financier des ménages français s’élevait à plus de 3900 milliards d’euros fin 20133 :
Ces start-ups proposent aujourd’hui différentes solutions aux nouveaux besoins des clients, comme les plateformes de « trading social » ou encore la gestion de leur épargne via des « robots conseillers ».
Ces « robots conseillers » utilisent les toutes dernières avancées en matière d’algorithmes et de statistiques pour révolutionner le secteur et les habitudes. Ils permettent de gérer en ligne, l’ensemble d’une prestation de gestion de fortune : la détermination du profil de risque, l’allocation des actifs dans des fonds arrimés à un indice, l’arbitrage et l’adaptation régulière du portefeuille en fonction des conditions du marché et du mandat.
Ce type de gestion presque entièrement automatisée et d’autres innovations technologiques comme la signature électronique ou plus généralement une simplification des processus de traitement, permettent à ces FinTech de proposer des tarifs bien en dessous des moyennes du secteur. Selon Mourtaza Asad-Syed, fondateur de Yomoni, la start-up « assure la gestion de l’allocation d’actifs, avec des frais moitié moins élevés que dans un réseau classique ». D’autres critères propres aux start-ups permettent de réduire les coûts par rapport à de plus grosses entités : structure managériale, nombre réduit d’employés et approche communautaire entre autres, permettent une plus grande agilité face aux attentes et évolutions des marchés.
En dehors de la gestion sous mandat, d’autres FinTech proposent une gestion d’actifs personnalisée à base de recommandations. Celles-ci peuvent se faire lors de la souscription mais également lors du suivi hebdomadaire du portefeuille des clients, ou ceux-ci restent propriétaires de leurs actifs et gèrent eux-mêmes leurs allocations par la suite.
On remarque également que la clientèle cible de ces start-ups diffère de celle des institutions financières : elles visent les « primo-épargnants » en ouvrant leurs services à partir de 1000 euros sous gestion, contre environ 50 000 euros de ticket d’entrée pour les acteurs historiques. Cette facilité d’accès aux services, couplée à des frais de gestion jusqu’à deux fois moins chers devrait séduire ces nouveaux épargnants.
La France cherche à combler son retard
Sur les 12 milliards de dollars investis dans les FinTech en 2014, près de 90% ont été alloués aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les levées de fonds françaises n’ont atteint « que » 21 millions d’euros sur la même période. Plusieurs facteurs expliquent cette différence, à commencer par les différences de culture, notamment dans la finance où les pays anglo-saxons sont très ouverts et proactifs sur le sujet.
Un autre facteur pouvant expliquer ce retard est la différence de législation. Les réglementations américaines et britanniques sont plus adaptées au développement des start-ups, notamment dans le domaine financier. Il faut par exemple plus de deux ans de démarches administratives pour obtenir une licence de « paiement en ligne » en France, contre quelques semaines au Royaume-Uni.
Banque & FinTech : quel avenir ?
Les banques et les acteurs de la gestion de fortune doivent-ils craindre ces nouveaux acteurs ? A première vue non, du moins pas pour le moment.
Les objectifs à moyens termes des FinTech en France dans le secteur de l’épargne sont de l’ordre d’un milliard d’euros sous gestion d’ici à 5 ans. Les institutions en place jugent qu’il faut atteindre entre 10 à 20 milliards d’euros sous gestion pour atteindre une taille critique. On peut cependant noter que ces start-ups pourraient résoudre une équation encore irrésolue dans les grandes banques : conquérir et fidéliser la génération Y.
Sur d’autres secteurs, les FinTech attirent de plus en plus d’investisseurs jusqu’à atteindre une taille critique. En Chine par exemple, Lufax (market place financière) atteint déjà une valorisation de 10 milliards de dollars. Aux États-Unis, LendingClub (finance participative) est valorisé à 6.5 milliards de dollars ou encore Square (paiement mobile et électronique) atteint les 6 milliards.
De plus en plus d’initiatives voient le jour en France dans le but de donner plus de visibilité aux FinTech françaises sur le plan international. « France FinTech », créé par 35 membres fondateurs issus du secteur bancaire ou des nouvelles technologies, souhaite apporter plus de poids à leurs startups sur les questions réglementaires et les représenter aussi bien face aux pouvoirs publics qu’aux institutions financières.
Quelles positions peuvent adopter les acteurs historiques ? Plusieurs stratégies semblent voir le jour.
La première serait, pour les institutions financières, de s’inspirer de ces nouveaux modèles pour se transformer de l’intérieur. On peut citer les BREBank ou CBA qui ont choisi cette solution pour faire face à ces nouveaux concurrents.
Une autre stratégie émerge et consiste à prendre part à cette révolution sans pour autant assumer tous les risques en passant par la prise de participation, le partenariat ou encore via les incubateurs, comme BNP Paribas, Crédit Mutuel, Arkéa ou Barclays.
Enfin, un réel investissement, en termes d’épargne, des « génération Y » et « génération D » n’ayant pas encore réellement débuté, tout reste encore possible pour conquérir ce nouveau segment, aussi bien pour les nouveaux acteurs que pour les plus anciens…
Cyril R.
Pôle Digital