
Les banques font face à de nombreux défis sur de multiples volets qui exigent des investissements lourds et une capacité à préserver le produit net bancaire. CMG Conseil expose son regard sur les trois problématiques majeures identifiées en 2018.
Un contexte de transition
Les clients distinguent généralement deux grands types de banques : les banques classiques comme par exemple BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, HSBC, BPCE, et les néo-banques comme MaFrenchBank, Hello Bank, Boursorama Banque, EKO, ou Fortuneo, ces dernières leur étant pour la plupart rattachées. C’est dans ce paysage que les Fintechs continuent de se développer à deux niveaux : d’abord l’innovation de services à la faveur de l’utilisateur, et le cadre réglementaire qui en est la contrainte ou l’opportunité. La phase d’effervescence disruptive est maintenant passée, les Fintechs et les banques ont trouvé leurs marques et ajustent leurs stratégies de concert. Pour autant, les banques devront faire face à de nouveaux défis en 2018 : gestion de leur modèle d’affaire, transition vers le digital, et positionnement de leurs services dans un environnement de plus en plus complexe et transversal.
Le modèle d’affaire bancaire cherche sa rentabilité
Il y a eu la crise financière de 2008-2009, il y a eu l’arrivée des Fintechs, au départ positionnées sur des segments de services peu rentables pour les banques, et qui maintenant étendent leur périmètre de services financiers, et tout ceci se déroule dans un tumulte réglementaire qui exige de la part des banques une ouverture de leurs services et des données qu’elles génèrent au macrocosme qui les entoure. Les banques se trouvent donc en déséquilibre dynamique, avec le devoir d’être conformes aux réglementations, incluant le partage de certaines données de leurs clients (directive sur les services de paiement 2), tout en maîtrisant leurs coûts afin de défendre leur produit net bancaire, et dans un environnement mouvementé ou les Fintechs sont agiles et audacieuses. A ceci s’ajoute la problématique du digital, qui est abordée juste après.
Selon une étude de l’agence de notation S&P Global Ratings publiée dans le journal cBanque, « La rentabilité des banques françaises va rester en 2018 sous la pression des taux d’intérêt bas et d’une concurrence accrue, bien que le secteur reste solide grâce à un modèle diversifié ». Pour Nicolas Malaterre, spécialiste du secteur, cette rentabilité doit s’améliorer en 2018. La dégradation des marges peut donc s’expliquer par :
- Des taux d’intérêt bas, dû en partie aux politiques de soutien des états à l’économie de la Banque Centrale Européenne et qui empêchent les banques de faire fructifier les dépôts de leurs clients. Cela a suscité un regain d’intérêt pour la demande et/ou la renégociation de crédits (immobiliers pour la plupart).
- Une concurrence ardue dans les produits d’assurance : ici c’est une bataille juridique que les banquassureurs ont engagée à travers la FBF sur la possibilité donnée de résilier chaque année l’assurance emprunteur (mesures votées dans la loi de 2017 et déjà présentes dans la loi Hamon de 2014). Selon les banques, le maintien de cette loi compliquerait l’accès au crédit pour certains clients (les personnes âgées, les moins nantis ou celles ayant une santé fragile).
- D’importants investissements dans le digital. Pour le journal Le Point (Publication AFP du 16/02/2018), le bilan 2017 est mitigé. Pour autant, il semble que le socle des réformes répétitives qui ont contraint les banques à des opérations de mise en conformité coûteuses soit maintenant stabilisé. La charge financière migre de la conformité au digital.
Le challenge du digital
Le Point cite dans ce même article un dirigeant bancaire français de manière anonyme et en ces termes : « Personne ne sait quel sera le point d’arrivée ultime du tournant numérique, la seule chose certaine c’est qu’il faut le prendre ».
En effet, le défi bancaire du digital se déroule sur 3 volets majeurs.
- Celui de l’introduction du digital dans les agences de banque de détail,
- Celui du parcours utilisateur et de la création de valeur digitale,
- Celui de l’exploitation des données générées par les services digitaux rendus à leurs clients.
En effet, l’introduction des services digitaux et de l’outil numérique dans les agences bancaires a apporté un changement dans la relation avec le client, et mené à la fermeture de près de 1500 agences entre 2010 et 2016 (selon la Fédération Bancaire Française ou FBF). Or, l’intégration du digital tout comme la fermeture d’agences représente un centre de coûts immédiats sur 2 aspects : d’une part l’intégration de nouveaux outils digitaux et de nouvelles pratiques pour les agences qui restent en activité, ainsi que l’accompagnement du changement et la conversion des compétences des métiers. Ce sont des chantiers de plusieurs centaines de millions d’euros qui sont investis en restructuration organisationnelle afin de a) tenir leur politique de départs volontaires prises auprès des syndicats, et b) permettre l’accompagnement du changement de la transformation du service bancaire.
Le digital apporte une problématique très spécifique aux banques, qui sont les gardiennes des écritures et des processus, et doivent maintenant être capables d’écouter et de comprendre les besoins exprimés et latents de leurs clients pour innover, ce qui est une véritable mutation de leur ADN.
Cette mutation est en marche implacable : d’ici 2020, BNP Paribas fermera 200 agences, BPCE 400, LCL plus de 250, la Société Générale 300. La mutation des pratiques des clients accélère le phénomène : le magazine Stratégies de janvier 2018 constate que, sur cette même période, le nombre de Français fréquentant plusieurs fois par mois leur agence est tombé de 52 à 20% (selon BVA). Le comportement, les besoins et les attentes des clients bancaires changent. Conscientes, les banques alignent leurs stratégies sur ce nouveau positionnement, et capitalisent sur leur savoir-faire et leur stabilité financière pour investir sur les aspects critiques de leur modèle d’affaire. Cela consiste dans un premier temps à modifier profondément leur système d’information afin qu’il puisse être le support stratégique de l’utilisation de leurs données. La tâche est difficile : la réglementation exige une ouverture de leurs services en conservant un niveau de sécurité élevé, dans un paysage où les services s’interconnectent et se multiplient horizontalement. Dans un deuxième temps, les banques nouent des partenariats stratégiques avec les Fintechs, ou rentrent dans leur capital afin de développer leur capacité d’innovation.
Les FinTech en stratégie d’investissement
Le directeur de l’innovation du groupe HSBC, Christophe Chazot, affirme que « les Fintechs ne sont plus vues comme une menace par les acteurs de la finance, mais comme une opportunité ».
De nombreux exemples d’investissements montrent que les banques recherchent leur start-up de référence dans l’objectif de développer leurs capacités de recherche et développement.
En octobre 2015 le Crédit Mutuel procédait à l’acquisition de la majorité du capital de la cagnotte Leetchi, le groupe BPCE avait aussi réalisé l’acquisition de plusieurs start-ups (Le pot commun, Dedopass et Payplug), BNP Paribas réalisait une introduction majoritaire au capital de « Compte Nickel » en juillet 2017, Société Générale a racheté Treezor à l’été 2018 : ces quelques exemples montrent que la stratégie bancaire est maintenant dépendante de leur capacité à identifier les opportunités et s’introduire au capital d’acteurs Fintech.
L’enjeux est l’innovation des usages et des services. L’étude PwC Fintech 2.0 prévoit que 82% des établissements financiers traditionnels s’adossent à des Fintech d’ici quatre ans, soit parce que celles-ci proposent des services radicalement différents, soit parce qu’elles auront réussi le pari de modifier en profondeur un mode de distribution qui permet d’atteindre une masse critique très rapidement et d’être pérenne. Selon Anne Boden, PDG de Starling Bank, « les banques auront d’ici trois ans sans doute copié leurs services mais n’auront pas encore amorti les coûts des investissement technologiques qu’elles auront engagées »
En moyenne, les banques estiment pouvoir perdre – à horizon 2020 – 24 % de parts de marché, les sociétés de transfert de fonds et du secteur des paiements 28 %, la gestion d’actifs 22 % et les assurances 21 %. Et les Fintech ne doutent pas de leurs capacités : elles estiment pouvoir s’emparer de 33 % des activités traditionnelles du secteur financier, et l’extension de leurs services est déjà en cours.
Nouer des partenariats stratégiques ou s’introduire au capital des Fintech est donc un enjeu majeur pour les banques traditionnelles, qui auront pour prochaine problématique d’aligner des services et des technologies certainement hétéroclites sur un modèle rationalisé qui puisse convenir à leur propre système d’information et à leur vision. Dans les faits, et sur la base de données partielles, le Crédit Agricole a réalisé 100 millions d’euros d’investissements directs en 2017, BNP Paribas 22 millions d’euros d’investissements directs et 40 millions d’euros d’investissements indirects, et la Société Générale 70 millions d’euros d’investissements indirects.
Car qui dit Fintech dit Blockchain, premièrement, mais aussi intelligence artificielle, pour le deuxième volet. Les enjeux sont gigantesques. La Data est considérée comme la première matière mondiale devant le pétrole, la posséder en exclusivité sera un avantage si la réglementation n’oblige pas son partage, et savoir la traiter et l’analyser sera l’avantage discriminant des banques leaders sur leurs marchés. La position des banques n’est pas aisée. C’est une course de fond au rythme d’un marathon qui les oblige à s’entourer de partenaires de confiance pour les accompagner tout au long de cette mutation.
L’équilibre des coûts et du produit net bancaire, l’agilité, la culture client, la capacité à identifier et investir, la sensibilité au Big Data distinguera les acteurs et creusera les différences. Accompagner la mutation de son réseau de distribution et des métiers qui le composent tout en préservant le produit net bancaire, utiliser ce réseau pour générer de la Data, repenser son système d’informations pour affronter un nouveau paysage de services interconnectés plus complexes et transversaux, rechercher la rationalisation tout en préservant l’agilité et la capacité à intégrer de nouveaux partenaires, développer leur capacité à trouver et acquérir ces partenaires clés à travers des stratégies d’investissements opportunistes et/ou alignées sur un modèle, être innovant dans la contrainte réglementaire… les volets sont nombreux, en adhérence, et soulèveront de nombreuses problématiques sur lesquelles CMG Conseil saura vous assister, comme l’attestent les clients que nous accompagnons et qui nous renouvellent leur confiance chaque année.
Arno G.