
Réussir le pari du déploiement du travail à distance ne se résume pas à l’acquisition d’équipements. Certes, cette organisation requiert un ensemble d’achats et de conditions préalables, mais le travail digital est surtout une nouvelle culture à appréhender et à diffuser.
Il convient de distinguer le travail à domicile du travail nomade. Si le premier se déroule exclusivement dans la résidence du collaborateur, le second peut avoir lieu lors de déplacements (gares, aéroports…). Le contexte sanitaire que nous traversons nous fera nous focaliser sur le premier mode de fonctionnement.
Comment dans ce cadre réduire le facteur géographique en conservant l’affectio societatis pour garantir le maintien de l’efficacité opérationnelle ?
Se recréer un espace professionnel
Aménager son domicile
La conception d’immeubles de bureaux est faite d’après des normes très strictes de diverses natures ; ces contraintes peuvent être légales (éclairage des locaux), techniques (réseau), sécuritaires (systèmes anti-effractions, anti-incendies), d’aménagement (cloisonnement des espaces, matériel de rangement) …
Re-créer cette disposition chez soi n’est pas chose aisée car la distribution des logements en région Parisienne, principal bassin d’emplois, n’a pas été pensée à cet effet.
D’après la Chambre des notaires « En Île-de-France, la surface médiane des logements est de 102 m2 pour les maisons et de 56 m2 pour les appartements »
Ainsi, bureau, fauteuil, & imprimante doivent cohabiter avec au choix le salon, la cuisine ou une chambre. Cette parallélisation des usages doit être propice au confort et à la concentration pour assurer la bonne continuité des opérations.
Être vigilent sur les aspects contractuels
La dématérialisation du travail répond à des critères juridiques clairement énoncés ; ainsi le travail à distance fait l’objet d’un avenant au contrat de travail précisant les plages horaires, les équipements nécessaires, la ventilation des dépenses occasionnées (internet, assurance)… Ces dispositions visent à couvrir les deux parties et réduire tous contentieux résultant de ce mode d’organisation.
« Tout accident intervenant sur le lieu d’exercice déclaré du télétravail pendant le temps de travail est présumé être un accident du travail » d’après l’accord collectif sur le télétravail, articles L. 1222-9 et suivants du Code du travail
Les collaborateurs sont de leur côté invités à vérifier l’adéquation de leur assurance habitation pour maximiser leur couverture.
Disposer de l’équipement adapté
Sécuriser les données de l’entreprise
Deux options s’offrent à l’entreprise en matière d’équipements informatiques et téléphoniques. L’entreprise peut mettre à disposition de ses collaborateurs un PC portable (dans certains cas un 2e écran), une souris, un socle, une sacoche … mais elle peut favoriser l’approche dite BYOD (Bring Your Own Device) compte tenu du taux d’équipement des ménages en France et permettre à ses équipes d’utiliser leur propre matériel.
Si l’on se réfère à l’INSEE « 97 % des personnes ayant un ordinateur ont un accès à l’internet chez eux, et cette proportion est quasiment stable depuis 2011 » ; la répartition de l’équipement par classe d’âge en 2016 était de « 94,1% des 25-39 ans & 91,7% des 40-59 ans »
Dans cette hypothèse, la sécurisation des équipements externes (via un anti-virus ou des accès VPN) devient une priorité. Ainsi, l’accès depuis un réseau privé à Office 365, ou encore l’impression de documents depuis un ordinateur d’entreprise vers une imprimante personnelle devra faire l’objet d’une attention particulière relativement à la confidentialité, & l’intégrité des données dans un contexte d’infrastructure ouverte.
Rationaliser les outils
A l’époque où les clés USB et disques durs externes se voient refuser l’accès aux ports dédiés, plusieurs solutions de stockage de documents se font concurrence.
Le travail collaboratif produit des documents de toutes natures (textes, feuilles de calcul, créations graphiques, vidéos…) et de tous volumes. L’accès à distance avec habilitation est un prérequis.
Afin de maintenir une cohérence organisationnelle, il convient de structurer les canaux d’archivage car à chaque besoin correspond un usage, ainsi un espace de publication des livrables sera à distinguer d’un espace dédié aux documents de travail.
Mener à bien les projets
Gérer son temps
Le respect du temps de travail demeure une obligation légale, mais le suivi des activités diffère. Ainsi, dans un rapport de management à distance, la mesure du temps de connexion cèdera la place à un pilotage par les objectifs. Les équipes pourront librement s’inspirer de méthodes telles que le timeboxing (ou gestion par blocs de temps) dans la réalisation de leurs activités.
Les managers analyseront à intervalles réguliers les écarts entre les actions prévues & réalisées sans pour autant négliger les éléments immatériels (satisfaction des clients, motivation des salariés, image de l’entreprise…).
Le respect des engagements n’est pas antinomique avec la conservation de repères temporels. Le droit à la déconnexion en dehors des heures de travail habituelles doit être observé.
Maintenir l’idéation collective
Le sentiment d’appartenance passe par la compréhension mutuelle des enjeux de la société, ainsi que par la cohésion d’équipe et la convivialité. Comment dès lors conserver ce lien avec la domiciliation de l’emploi ?
Plusieurs logiciels ont récemment bénéficié d’une forte exposition. A ce titre, les applications Trello de gestion des tâches (créé en 2011), Klaxoon pour l’organisation de réunions d’équipes (créé en 2014), Teams système de vidéoconférence (créé en 2016) … ont fait émerger de nouveaux codes comportementaux parmi lesquels le sens de l’écoute (avec la demande de prise de parole), le respect des idées des autres (lors du partage d’écran…).
La digitalisation de repères tels que les réunions d’équipes numériques et les cyber-cafés permettent de resynchroniser les travaux des collaborateurs. Alternativement, des séances de sport collectif à distance permettent de passer un agréable moment en réduisant les risques musculaires liés à la sédentarité. Les responsables d’équipes doivent dans ces circonstances adopter une posture du « Community manager » pour relever les défis de la distanciation professionnelle.
La sortie de crise sanitaire nous fera-t-elle reprendre nos habitudes du travail intégralement sur site ou bien nous permettra-t-elle d’évoluer vers une organisation du travail omni-canal ? Les équipements nous offrent déjà la possibilité d’initialiser un dossier sur ordinateur au siège social d’une entreprise, de le compléter grâce à nos smartphones lors de déplacements, avant d’être finalisé à domicile sur tablette.
D’autres alternatives, telles que la collaboration depuis des directions régionales ou des espaces de co-working sont également plébiscitées. La clé de la réussite sera de permettre aux collaborateurs de pouvoir se réinventer et de trouver leur place dans une organisation à géométrie variable.
O.Paris