
La pandémie de la COVID-19 a changé la société telle que nous la connaissons en seulement quelques mois : travail à domicile, distanciation sociale, masques, gestes barrières et pays du monde entier au bord du krach économique. Nous avons vu le coronavirus changer complètement le comportement d’achat des consommateurs, pousser les commerçants au bord de la faillite et mettre en lumière l’importance des capacités numériques, tout cela ayant agi comme un catalyseur supplémentaire dans un secteur des paiements qui évolue déjà rapidement. Nous ne doutons pas que la massification des nouvelles pratiques et usages numériques constitue une réalité qui est là pour durer avec des implications sur la stratégie des acteurs tout au long de la chaîne de valeur des paiements.
Un marché Français des paiements qui a démontré sa résilience opérationnelle
Les mesures sans précédents prises par les pouvoirs publics en réponse à l’épidémie de Covid‑19, avec pour point d’orgue le confinement de la population entre le 16 mars et le 10 mai 2020, ont eu un impact direct sur le marché des paiements :
- D’une part, du fait de leurs conséquences sur l’activité économique et sur la consommation des ménages, traduites par une baisse globale des flux de paiement durant la période de confinement, ainsi que par une évolution des modes de paiement au profit de ceux dématérialisés ou sans contact. Malgré des mesures de relance budgétaire de grande envergure, on ne sait toujours pas dans quelle mesure il sera possible d’inverser les conséquences. Ainsi, il est fort à parier que les recettes issues des paiements baisseront de manière significatives d’autant plus que certains secteurs comme le tourisme et les compagnies aériennes auront du mal à revenir aux niveaux d’avant la crise au cours des prochains mois ou des prochaines années.
- D’autre part, par l’impact sur la capacité opérationnelle des acteurs du marché des paiements, qui ont dû gérer leur activité dans des conditions complexes. En effet, la priorité pour les banques fut d’assurer les paiements avec le recours massif au télétravail et les enjeux de sécurité informatique liés à ce contexte. Par ailleurs, les besoins en cash management des entreprises se sont traduites par une augmentation significative des virements de trésorerie. En effet, celles-ci ont cherché à centraliser leur trésorerie afin de faire face aux évènements difficiles à anticiper dans un contexte incertain.
Force est de constater que les acteurs français du paiement ont su répondre présents pour assurer la continuité des paiements et proposer des réponses coordonnées aux défis soulevés notamment avec l’augmentation de 30 à 50 euros du seuil du paiement carte sans contact. La coordination a été efficace grâce à l’activation du groupe de place Robustesse présidé par la Banque de France.
Crée en 2005 à l’initiative de la Banque de France, le groupe de place Robustesse vise à garantir la résilience du système financier à faire face à des chocs affectant ses fonctions critiques et à maintenir la Place de Paris parmi l’une des plus robustes en cas de crise opérationnelle majeure.
Une évolution des modes de paiement vers le numérique qui va s’inscrire dans la durée
La période de confinement à bousculé les habitudes et les comportements de paiements tout en mettant en avant certains usages comme l’achat sur internet et le paiement sans contact ou le paiement mobile (pour les montants supérieurs à 50 euros) pour les paiements en magasin. Cette évolution s’est faite au détriment des moyens de paiement nécessitant un contact physique, tels que le chèque, le cash ou le paiement par carte avec saisie du code confidentiel.
Depuis le déconfinement, le paiement sans contact représente désormais une mesure barrière, au même titre que le port du masque, à tel point que l’OMS préconise une généralisation de ce moyen de paiement afin de limiter la propagation du virus. L’utilisation a été amplifiée par l’augmentation de la limite de paiement sans contact, mis en œuvre en un temps record, et par les commerçants qui encourageaient activement les clients à payer par carte, idéalement sans contact, au lieu d’utiliser des espèces.
La structure des paiements a également évolué pour refléter la transition des échanges de proximité vers les échanges à distance du fait du confinement, et une utilisation plus systématique de moyens de paiement adaptés pour l’e-commerce. La société américaine de recherche et de conseil Forrester a publié une enquête, réalisée en France pendant le confinement, indiquant que 19% des sondés ont acheté pour la première fois des produits alimentaires sur Internet tandis que 10% ont utilisé un moyen de paiement digital alors qu’ils ne l’avaient jamais fait auparavant.
La capacité de faire de l’e-commerce pour les entreprises est devenu cruciale notamment pour les PME. Face à l’effondrement des ventes en magasin, la vente en ligne était le seul moyen pour de nombreuses PME de rester en activité. Il s’agit ici d’une opportunité pour les acteurs du paiement de proposer aux PME non équipés des solutions e-commerce faciles à intégrer, rapides et abordables.
Évolution de la structure des flux de paiement en volume (%)
L’évolution de la structure des paiements a été particulièrement marquée durant la période de confinement, les premières tendances post‑confinement semblent confirmer que de nouvelles habitudes ont émergé chez les consommateurs. La pandémie a agi comme un véritable catalyseur et accélérateur dans l’adoption du paiement sans contact dans un environnement qui était déjà en cours d’évolution depuis des années. Il aura fallu de quelques mois pour accomplir la progression
« Pendant le confinement, la vente à distance a très fortement augmenté. Après le confinement, (…) la vente à distance a eu plutôt tendance à revenir à son niveau d’avant, par contre l’augmentation du mode sans contact, avec le relèvement de 30 à 50 euros, est spectaculaire » François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France.
La banque de France, dans son dernier rapport sur la sécurité des moyens de paiement, a analysé l’impact post pandémie sur le sans contact. En effet, le déconfinement s’est traduit par une croissance très forte du nombre de paiements sans contact supérieure à 60 % en volume et 120 % en montant par rapport à 2019 à compter de juillet 2020.
Le paiement par chèque et les retraits d’espèces aux distributeurs sont les opérations qui ont accusé la baisse la plus significative durant le confinement avec une utilisation post confinement qui reste de l’ordre de – 20 % en retrait par rapport au rythme pré‑crise.
Les consommateurs expriment donc un large désir de paiements sans contact en point de vente, notamment en suivant les conseils des professionnels de santé, et l’utilisation du cash est en baisse pour réduire les interactions physiques. Il est donc fort à parier que ces nouvelles habitudes s’inscrivent dans la durée.
Une attention particulière à porter sur la sécurité
Si cette crise va vraisemblablement transformer nos habitudes de paiements, il convient toutefois de porter une attention particulière sur la sécurité des moyens de paiements numériques. En effet, cette crise peut malheureusement constituer une opportunité pour de nombreux fraudeurs dans un contexte de changement rapide. Les premiers retours des sociétés spécialisées en sécurité informatique indiquent une augmentation spectaculaire des attaques de phishing dans le monde entier qui, couplé avec des nouveaux consommateurs e-commerce, pourrait avoir des conséquences sur les taux de fraude des moyens de paiement numériques. En réponse, les établissements bancaires devront sans doute être amenés à améliorer la prévention et la détection de la fraude. A ce titre, l’intelligence artificiel et le machine learning sont deux technologies particulièrement adaptées pour faire une différence significative dans ce domaine.
Si les premiers enseignements de la pandémie de covid-19 commencent tout juste à être perçus, les répercussions à long terme sur l’industrie des paiements seront probablement encore plus importantes. Gageons, toutefois, que les acteurs qui se situent tout au long de la chaine de valeur des paiements seront en mesure d’accélérer leurs transformations digitales et numériques.
M. Hafid, consultant CMG Conseil