Mesurer les fonds labélisés ISR : un enjeu pour renforcer le choix des investisseurs

Mesurer les fonds labélisés ISR : un enjeu pour renforcer le choix des investisseurs

Le label ISR offre une aide précieuse pour les clients institutionnels ou particuliers souhaitant investir dans des placements responsables et durables. Mis en place par le Ministère de l’Économie et des Finances, le label a pour principal but de rendre plus visibles et compréhensibles les produits d’investissement socialement responsables (ISR) pour les épargnants, en France et en Europe.

L’ISR a pour objectif de concilier performance économique et impact social et environnemental, en orientant l’épargne financière vers les sociétés qui contribuent au développement durable dans tous les secteurs d’activité et notamment en immobilier.

Les sociétés de gestion en immobilier gèrent à la fois le fonds et aussi ce qui le compose, à savoir les bâtiments. Les gestionnaires d’actifs ont alors cette capacité d’exploiter le patrimoine immobilier et ainsi interagir avec toutes les parties prenantes d’un immeuble en gérance. Dans ce cadre, le label ISR se concentre sur la phase de détention et sur l’engagement des parties clés des immeubles en portefeuille.

L’investissement dans des fonds labélisés ISR est une stratégie d’investissement dont l’intention est de maximiser l’impact social et environnemental d’un placement sans, pour autant, sacrifier sa rentabilité financière. Le rôle du label ISR en immobilier est alors de contribuer à trois principaux objectifs :

  • Offrir davantage de transparence sur les caractéristiques des fonds labellisés
  • S’assurer que l’impact revendiqué par les fonds labellisés soit étayé et justifié
  • Contribuer à faire du label français une référence internationale dans le domaine de l’ISR

Pour ce faire, et fidèle aux critères ESG, le label ISR couvre trois volets : environnement, gouvernance, et social. De son côté, le secteur immobilier est confronté à un cadre exigeant en matière d’environnement, les indicateurs comme la consommation d’eau, la performance électrique et l’émission des gaz à effets de serre permettent cependant de faire des approximations. En revanche, les sujets sociaux et de gouvernance sont moins harmonisés. En général, le référentiel du label ISR prévoit aujourd’hui  » la production d’au moins un des indicateurs suivants : 1) Pourcentage d’administrateurs salariés ; 2) Taux d’absentéisme ; 3) Ratio d’équité « .

Aujourd’hui, les indicateurs d’impact obligatoires en immobilier résident dans la mesure de la performance énergétique en mettant en œuvre les indicateurs énergétiques (A,B,C,D,E,F,G). Ces derniers servent à mesurer la gestion de l’énergie et reflètent ainsi l’efficacité de l’organisation qui les met en place. Toutefois, avec le label ISR, la société de gestion doit également tenir compte d’autres critères comme 1) la mobilité et le mode d’occupation par les locataires en créant un confort lié au bâtiment – tout en remplissant ses fonctions fondamentales d’abri pour l’occupant et de protection durable et efficace contre des éléments extérieurs – mais également, 2) la limitation des gaz à effet de serre en optant pour des énergies renouvelables afin d’éviter des conséquences liées au réchauffement climatique (et dont on retrouve la nécessité au travers du règlement thermique 2020 rentré en vigueur en 2022).

Les pratiques du marché ISR en matière de mesure d’impact se caractérisent comme relativement naissantes. Cela se manifeste à travers l’indisponibilité de méthodologies communes des critères d’impact ainsi que la rareté des données et le coût élevé associé au recueil des données et au développement de méthodologies d’impact pertinentes. Dans ce contexte de marché, il nous semble important de formuler des grands principes de base relatifs à la qualité et la transparence des démarches des sociétés de gestion visant le Label ISR qui peuvent se présenter comme suit :

  1. RENFORCER LE SUIVI DU LABEL PAR LES SOCIETES DE GESTION : Il convient de mettre en place pour les sociétés de gestion visant le Label ISR l’exigence d’adresser systématiquement les 3 thématiques (E,S,G)
  2. AMELIORER LA TRANSPARENCE SUR L’APPLICATION DU LABEL ISR : Mettre en place l’obligation de transparence sur la méthode d’impact de la gestion sur les critères retenus. Cela permettra d’apprécier la pertinence des critères retenu en relation avec l’objectif et la stratégie du fonds.
  3. ETABLIR LES PRINCIPES D’UNE COMMUNICATION ADAPTEE (NOTAMMENT VIS-A-VIS DU GRAND PUBLIC) :  La société de gestion doit émettre des informations relatives à l’application du label de façon compréhensible. Cette communication doit devenir l’un des moyens les plus pertinents de toucher un maximum d’investisseurs grand public qui aujourd’hui ne se retrouvent pas dans la terminologie ISR actuelle très technique.

Il est recommandable qu’une autorité indépendante (comme par exemple le Comité du Label ISR) évalue à fréquence régulière les critères et leur mise en place par les fonds labellisés. Cette évaluation pourrait se faire sur la base d’un retour d’expérience de la part des utilisateurs du label ISR, des auditeurs de ce dernier, ainsi que de l’état de l’art sur le sujet au niveau international. Cette évaluation a pour but de garantir le sérieux des mesures d’impact mises en place et de rendre compte de manière régulière de l’évolution de ces dernières. Cette évaluation pourra faire l’objet d’un rapport annuel, mis à la disposition de tous sur le site internet du label ISR, qui comportera une description des indicateurs d’impact effectivement utilisés par les fonds labellisés.

Il est aussi nécessaire que l’évaluation des fonds labellisés soit rendue publique afin de construire la crédibilité du label vis-à-vis de ses utilisateurs et du grand public. Cet accès doit être simple et facilement accessible aux épargnants. Une meilleure communication et une plus grande transparence sur le contenu et le fonctionnement du label sont déterminantes pour son succès à long terme. Elles sont non seulement sources de progrès au travers d’une montée en compétence des acteurs de la place, mais aussi de protection contre d’éventuelles accusations « d’ISR washing ».

Dans l’idéal, il faut que la méthodologie d’évaluation d’impact soit révisée par la société de gestion de manière systématique à un horizon pluriannuel (3 ou 5 ans) pour permettre d’identifier les domaines d’amélioration possibles et de mettre en œuvre cette amélioration. A la prochaine évaluation, lorsque ces questions d’impact auront fait l’objet d’une plus grande appropriation par les acteurs concernés, le label ISR pourra apposer un code visuel sur chaque fonds (ex : couleur, étoiles, lettres, etc.) pour évaluer et communiquer à l’épargnant le niveau d’impact ESG de chaque fonds labellisé. Un système de rating de ce type contribuera à mieux informer les épargnants sur la nature de leurs choix.

Il ressort ainsi que la communication, par une autorité indépendante, des notations et mesures des fonds labélisés est un axe de progrès prioritaire pour le label. En effet, un label public est, par définition, le fruit d’un compromis. Il ne faudrait pas qu’il devienne le fruit d’une compromission. Il en va donc clairement de la crédibilité de ce label en France mais aussi dans une perspective de réflexion au niveau européen.

Soufiane Rabhi, consultant CMG Advisory

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