Chine: crise immobilière

Chine: crise immobilière

Pôle Risques et Modélisation

La Chine a connu une grande croissance économique au cours des dernières décennies malgré la succession des crises sanitaires et énergétiques ainsi qu’un contexte géopolitique incertain. L’un des facteurs de la croissance chinoise est le marché immobilier qui a été en constante croissance depuis près d’une décennie jusqu’à l’année 2021 qui marque le premier repli des prix depuis avril 2015.

Quels sont les moteurs de cette crise immobilière ? Quelles en sont les conséquences ? Et à quoi pourrait-on s’attendre sur les moyen et long terme ?

Origine de la crise

Le marché immobilier chinois joue un rôle majeur dans le développement de l’économie chinoise et par conséquent, de l’économie mondiale. En effet près de 70% de la fortune chinoise, est regroupée dans des investissements immobiliers, plus précisément dans le secteur résidentiel pour la majorité. Selon le professeur d’urbanisme Zhao Yanjing, commentateur régulier des affaires chinoises, le gouvernement chinois est grandement responsable de cette bulle spéculative, qui a déjà commencé à éclater depuis 2021. 

Depuis plus d’une décennie, le parti communiste chinois a tout mis en place pour encourager des investissements massifs dans le secteur immobilier tout en voulant contrôler les gains potentiels des promoteurs immobiliers. L’essor que connaissait ce secteur, couplé d’une anxiété omniprésente et insidieusement introduite par l’Etat a permis d’alimenter une forte spéculation des promoteurs qui ne cessaient d’accumuler des dettes simples d’obtention.

Le gouvernement avait, par exemple, pris pour habitude de mettre de l’immobilier résidentiel sur le marché, entouré de terrains appartenant à l’Etat et affichant un prix futur estimé souvent supérieur à la moyenne locale au mètre carré. Le message était donc clair : achetez maintenant ou jamais. Cette technique a permis d’augmenter rapidement les prix de l’immobilier attenant et créait même des guerres d’enchères entre promoteurs assoiffés d’acheter moins cher en attendant que les prix explosent. Ces ventes de terrains « publics » étaient à l’origine de 43% des revenus de gouvernements locaux en 2021.

La bulle éclate

La bulle spéculative immobilière en Chine connait de beaux jours pendant plusieurs années avec des prix de plus en plus élevés, une facilité à trouver les bons financements avec des prêts généreux et des obligations offshore en dollars … jusqu’à ce que le gouvernement central décide d’intervenir.

Pour mettre fin à la spéculation, le gouvernement central décide de contrôler le couts des logements, chose qui freine les gains des promoteurs immobiliers et limite leur solvabilité face à leur endettement important. D’importants acteurs locaux de l’immobilier ont déjà déclaré faillite ou annoncent pouvoir le faire prochainement.

Le cas Evergrande

Le géant Evergande par exemple, deuxième promoteur immobilier chinois et présent de plus de 280 villes, affiche un niveau d’endettement équivalent à 2% du PIB du pays ; soit près de 300 milliards de dollars.

La firme adopte une stratégie d’endettement agressif et a l’habitude d’avoir un ratio d’endettement supérieur à ses concurrents. Cependant, sa situation n’a jamais été aussi délicate et la firme s’est même vue obligée de mettre fin à certains projets pour manque de fonds en 2021. Près d’1,4 millions de logements resteront donc inachevés, ce qui représente un vrai coup dur pour le géant installé en Chine depuis 1996, surtout après avoir esquivé de justesse un manquement de remboursement de dettes en 2020. 

En août 2021, la société annonce ne pas pouvoir rembourser ses dettes et se concentre sur le remboursement partiel de certains intérêts. Cette situation n’est guère rassurante pour les investisseurs étrangers à l’origine de 7 milliards de dollars prêtés à Evergrande.

La situation de l’entreprise se dégrade chaque jour que l’Etat n’intervient pas. Ce dernier se retient d’exécuter une opération sauvetage pour ne pas contredire ses ambitions initiales de mettre en ordre le secteur immobilier.

Conséquences

Nous pouvons clairement employer le mot « crise » en décrivant la situation actuelle du secteur immobilier en Chine. Le prix de l’immobilier a déjà chuté suite à l’intervention du gouvernement central chinois. Malgré tout, nous ne pouvons pas encore parler de marché sain et stable puisque les géants du secteur sont fragilisés et attendent impatiemment une action forte de l’Etat. Naturellement, l’envol qu’a connu le secteur n’est plus d’actualité. Nous enregistrons un ralentissement tangible, ce qui met l’économie chinoise au ralenti et pose la question d’un risque systémique (et donc d’effondrement du système financier chinois).

Reste à savoir si l’économie chinoise pourra rebondir comme à son habitude. Les plus optimistes diront que la Chine a su remonter toutes les crises précédentes : l’embargo américain en 1989, la crise financière asiatique en 1997 ainsi que la crise financière la plus récente en 2008. Un pronostic reste difficile à poser vu l’accumulation des problèmes : pandémie, dégradation de relations internationales, conflit russo-ukrainien…

Pour ceux qui considèrent qu’il est urgent d’agir avant que le risque systémique ne se fasse ressentir, plusieurs actions sont envisageables :
 Supprimer les contrôles mis en place sur les prix pour que les promoteurs puissent dégager du bénéfice et améliorer leur solvabilité. Chose qui aura un impact positif sur les créanciers étrangers même si certains considèrent qu’ils sont en mesure d’absorber le choc.
 Remplacer la gestion prix par la gestion des quantités : mettre l’écoulement du stock existant en priorité à court terme
 Envisager des rachats de terrains par le gouvernement dans les zones ou les ventes sont plus lentes
 Mettre les rénovations urbaines à l’arrêt et ne garder que les rénovations nécessaires (de bidonville par exemple), mais avec un financement indépendant.

Pour conclure, il est important de noter qu’une politique immobilière efficace n’est jamais exemptée de failles, mais doit plutôt répondre aux besoins à long terme de stabilité tout en priorisant les problèmes rencontrés à court terme.
Pour l’économie chinoise, il est crucial de mettre fin à la détérioration avant de la réformer. Si le marché immobilier, qui est le principal marché des capitaux, ne se redresse pas, l’économie ne retrouvera pas son équilibre et aucune réforme réussie ne pourra éviter la récession économique et les troubles sociaux qui en découlent, au niveau national et international. 

Zineb KAOUKABI – CMG Conseil

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