
Pôle Contrôle et Conformité Interne
Le 28 mars 2023 marque un tournant majeur dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) dans l’Union européenne. Les eurodéputés ont approuvé trois importants projets de législation du « AML Package » (Anti-Money Laundering Package). Cette nouvelle mesure ambitieuse, cherche à renforcer les processus de prévention, de détection et de répression des activités illicites liées aux flux financiers.
Cet article explore les éléments clés de ces projets de législation.
Le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme constituent une menace grave et croissante pour la sécurité et la stabilité économique de l’Union européenne. Cette activité illégale permet aux criminels de dissimuler les produits de leurs activités et potentiellement de financer des activités terroristes, menaçant ainsi la vie des citoyens européens et la crédibilité du secteur financier.
Face à ce danger permanent, l’Union européenne a élaboré au fil des années une série de réglementations visant à renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Les principaux objectifs du « AML Package »
« L’AML Package » comprend quatre projets de législation clés :
- La création de l’Autorité européenne de la LCB-FT, AMLA (Anti-Money Laundering Agency)
- La 6ème directive sur le blanchiment de capitaux (6AMLD)
- Une réglementation créant un unique référentiel LCB-FT
- Une refonte du règlement (UE) n° 2015/847 sur les transferts de fonds pour tracer les transferts de crypto-actifs.
Ces quatre textes législatifs ont pour objectif commun de renforcer les dispositifs existants en introduisant des mesures plus strictes, des sanctions plus sévères et une coopération renforcée entre les États membres.
La création de l’Autorité européenne AMLA :
Cette nouvelle autorité, composé de 250 employés[1], sera financé à 25% par le budget de l’ UE et 75% par les contributions des entités assujetties à la lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme. Elle sera chargée de la surveillance des risques au sein et à l’extérieur de l’union, supervisera directement certaines institutions financières après leur classement selon leurs niveaux de risque. Dans un premier temps, elle sera responsable de superviser 40 entités présentant les profils de risque les plus élevées et présentes dans au moins deux États membres. Chaque État membre sélectionnera au moins une entité.
L’AMLA peut procéder à des contrôles sur place avec autorisation judiciaire et prononcer des sanctions de la façon suivante :
- En cas de défaillance du dispositif d’une entité assujettie à la LCB-FT présente dans un seul pays européen, une amende de 500 000 euros à 1 million d’euros ou 0,5%, la valeur la plus élevée étant retenue
- En cas de défaillance du dispositif d’une entité assujettie à la LCB-FT présente dans deux pays européens ou plus, une amende de 1 000 000 euros à 2 000 000 euros ou 1 % du chiffre d’affaires annuel, la valeur la plus élevée étant retenue
- En cas d’infractions majeures – jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel total de l’entité assujettie au cours de l’exercice précédent.
Le siège de l’institution sera décidé lors de négociations ultérieures.
Une réglementation créant un unique référentiel LCB-FT :
L’unification des cadres réglementaires de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sera atteint grâce à l’introduction de réglementations au niveau européen, qui seront appliquées directement et uniformément par les institutions financières dans tous les États membres de l’UE. Les règles introduites dans un référentiel unique seront plus détaillées et précises par rapport aux réglementations actuelles introduites dans le cadre des lignes directives.
Le nouveau référentiel AML sera complété par des normes règlementaires, qui seront publiées prochainement par l’AMLA, comme l’application des mesures de due diligence. Avec un tel cadre, les États membres auront toujours la possibilité de réagir aux menaces qui leur sont spécifiques, par exemple en indiquant au niveau national des secteurs supplémentaires nécessitant des règles de LBC/FT lorsque des menaces spécifiques le justifient.
Révision de la 6ème directive sur le blanchiment de capitaux (6AMLD)
La révision de la directive sur le blanchiment de capitaux vise à combler les lacunes identifiées dans la précédente réglementation et à renforcer les exigences en matière de vérification de l’identité des clients, de surveillance des transactions suspectes et de coopération entre les autorités nationales. Cette mise à jour implique une série de mécanismes et de mesures législatives, parmi lesquels l’introduction de :
- Évaluation nationale des risques tous les quatre ans
- Un registre des travailleurs transfrontaliers
- Le cadre des cellules de renseignement financier pour l’analyse des déclarations d’opérations/ activités suspectes.
- Clarification des exigences en matière d’informations sur les bénéficiaires effectifs
- Un nouvel organisme de surveillance public pour superviser les organismes d’autorégulation de l’UE
- Clarification des règles de collecte de données personnelles dans le cadre de la LCB/FT
- Renforcement de la protection des lanceurs d’alerte qui signalent des délits financiers
Une refonte du règlement (UE) n° 2015/847 sur les transferts de fonds
Les principales modifications législatives proposées par le Conseil sont les suivantes :
- L’extension des règles LCB /FT à l’industrie de la cryptomonnaie. Si la transaction d’un client vaut 1 000 € ou plus, les prestataires de services sur crypto-actifs (Crypto Asset Service Provider – CASP) sont tenus de mettre en œuvre des méthodes de diligence raisonnable envers ce consommateur ;
- Les CASP doivent filtrer les bénéficiaires des transactions par rapport aux listes de sanctions.
- Les institutions financières et les CASP sont tenus de collecter les informations complètes des initiateurs et bénéficiaires, les stocker et les communiquer aux autorités compétentes en cas besoin.
En bref, l’« AML Package » approuvé le 28 mars constitue une étape importante pour l’UE dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le trilogue européen a débuté les discussions en Avril 2023 qui sont actuellement en cours. Les préparatifs en vue de la création de l’agence ont été lancés en Septembre 2023, notamment l’invitation aux villes européennes à soumettre leur candidature pour accueillir l’AMLA.
Les trois projets de loi renforcent le système existant en introduisant des mesures plus strictes, des sanctions plus sévères et une plus grande coopération entre les États membres. La création de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AMLA) constitue une étape clé, dotant l’UE d’une autorité de surveillance protégeant la sécurité financière de l’UE. Des sanctions sévères imposées aux entités non conformes peuvent inciter à une plus grande conformité. Le référentiel unique de LCB-FT garantit une harmonisation des règles dans l’ensemble des États membres, simplifiant ainsi le processus pour les entités concernées par la LCB/FT et renforçant la lutte contre les activités illégales. La révision de la 6ème directive sur le blanchiment de capitaux (6AMLD) ainsi que le règlement sur les transferts de fonds montrent l’engagement de l’UE envers une réglementation rigoureuse.
Dans l’ensemble, l »AML Package » démontre l’engagement de l’Union européenne envers la sécurité financière et la protection de ses citoyens. L’UE est bien positionnée pour jouer un rôle de premier plan dans la lutte mondiale contre la criminalité financière, en adoptant des mesures adaptées à l’évolution rapide du secteur financier.
Ilias AMHARECH