
L’Instant Payment (IP) est le dernier instrument né de l’intégration européenne des paiements, entré en vigueur le 21 novembre 2017. Ce nouveau mode de paiement SEPA (34 pays) au caractère irrévocable, offre aux acteurs financiers la possibilité de recevoir et d’émettre des virements instantanés pour un montant maximum de 100K€, 24H/7J/365 dans un temps cible de 10 secondes avec des fonds directement disponibles pour le bénéficiaire.
En perspectives, l’IP représentera, selon la Banque Centrale Européenne, 23% des instruments de paiements en Europe d’ici 2023, et un taux d’utilisation de 13% en France à horizon 2022.
L’Instant Payment : quelles sont les tendances en début 2021 ?
Aujourd’hui, la proportion des établissements européens capables d’émettre et à minima de recevoir des virements instantanés est de 57%. Une comparaison européenne de l’utilisation de l’IP montre des disparités fortes entre les pays de l’Union (exemple 87% en Allemagne et 0% en Roumanie).
En France, 46% des établissements adhérents au SCT Inst recouvrent plus de 90% des comptes de paiements tenus par les établissements français.
A ce jour, l’IP n’est pas encore adopté majoritairement par les utilisateurs européens (entreprises, particuliers ou administrations). Pour accélérer la mise en place de ce moyen de paiement, la Commission Européenne réfléchit à une adhésion obligatoire au SCT Inst d’ici la fin 2021.
Les chiffres indiquent un lancement progressif de l’IP, qui n’a toutefois pas atteint son rythme de croisière. Les instances européennes (CE / Eurosystème) et nationales (BDF) mettent en œuvre des actions pour propulser ce moyen de paiement et favoriser son expansion.
En 2020, et suite la création du schéma de paiement instantané en 2017, certaines initiatives ont vu le jour :
- La stratégie européenne pour les paiements de détail : avec la forte croissance des paiements digitaux, l’UE souhaite ‘fédérer’ le marché autour de solutions de paiements Européennes, et en particulier des solutions européennes instantanées pour en faire la nouvelle norme. Le marché européen va ainsi affirmer sa souveraineté dans le secteur des paiements face aux acteurs mondiaux des cartes de paiements et des plateformes internet.
- Le projet EPI (European Payments Initiative) : projet de solution pan-européenne porté par 16 banques de l’Union qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie susmentionnée. l’EPI vise à mettre en place un nouveau système de paiement européen unifié s’appuyant sur les paiements instantanés, dont l’objectif est de renforcer le marché unique en Europe et de devenir un nouveau standard de paiement pour les consommateurs et les commerçants pour tous les types de transactions.
- Le Request To Pay : service offrant la possibilité pour un créancier d’adresser un message de demande de paiement sur lequel le payeur peut valider le paiement (via son portail en ligne par exemple) et valider son opération. Ce qui permet l’initiation d’un virement prérempli avec tous les champs qui permettent au créancier de faciliter sa comptabilité et sa réconciliation. La Commission considère que l’utilisation de ce service permettra de stimuler l’usage du virement instantané et promouvoir l’IP.
Dans l’agenda européen et national sont inscrits des travaux sur les virements instantanés :
- Sur le plan européen, une stratégie est mise en place autour de l’adhésion, de la tarification, de solutions européennes et des questions sur la lutte contre la fraude.
- Sur le plan national, le Comité National des Paiements Scripturaux (CNPS) est fortement mobilisé sur le suivi des actions du déploiement du virement instantané, du développement du Request To Pay (RTP) et le développement du service d’initiation de paiement prévu par la DSP2, et sur les sujets de communications vis-à-vis des particuliers, entreprises et administrations pour susciter l’adhésion autour des offres qui pourront émerger au niveau du marché.
L’IP : coût et contraintes technologiques et opérationnelles illustrés au travers du modèle Société Générale (SG)
La Société Générale a conçu la plateforme TRANSACTIS avec la Banque Postale afin de créer une infrastructure pour mutualiser les coûts de briques d’infrastructures (les coûts techniques), ayant vocation à être ouverte en prestation à toutes les banques. Toutes les transactions IP de la Société Générale passent par TRANSACTIS. La SG facture l’IP à 0,80€, et sa filiale BOURSORAMA le propose gratuitement. L’IP ne nécessite pas de traitement Back Office, et le fait de ne plus recourir à un traitement manuel réduit les coûts de production et rend ainsi l’IP plus attractif.
La SG propose une API avec une couverture pan-européenne (SEPA) mise en production depuis fin 2019, utilisée par 6 clients dont 2 internes (BOURSORAMA et Crédit du Nord). Techniquement, les banques participantes accèdent à l’API Société Générale connectée à STET, via la solution SWIP qui permet d’atteindre RT1, et demain fin 2021 permettra d’atteindre TIPS et d’atteindre la banque bénéficiaire.
L’API SG peut être intégrée aussi dans les applications mobiles ou les portails internet.
La bonne conduite d’un projet d’implémentation de l’API SG chez un client s’appuie sur des pré-requis fondamentaux :
- Avoir une position de gestion en temps réel sur le compte des clients (être capable quand un IP arrive sur le compte du client, que celui-ci puisse instantanément aller au distributeur automatique et tirer l’argent liquide). Pour plusieurs clients, l’interconnexion entre les différents systèmes monétiques et tenues de comptes n’est pas forcément en temps réel aujourd’hui et ne permet donc pas une mise à disposition immédiate des fonds.
- Réaliser les contrôles anti-fraude, anti-blanchiment et AML : la SG n’effectue pas ces contrôles pour ses clients. La SG peut juste être alertée par la mutualisation de la communité bancaire sur un compte par exemple à destination de fraude et le bloquer.
Les futurs usages de l’Instant Payment (Request To Pay et EPI)
Les cas d’usages dans lesquels l’IP peut apporter une réelle valeur ajoutée :
- Le domaine de l’assurance, en cas de sinistre simple : exemple d’indemnisation d’un assuré qui aurait un retard de vol, lui permettant de disposer immédiatement des fonds pour racheter un autre billet ou régler une nuit d’hôtel.
- Les transactions entre particuliers : exemple de la plateforme d’échanges Le Bon Coin qui s’est proposée depuis 2018 en rôle de tiers de confiance entre acheteurs et vendeurs. L’IP est pertinent aux deux bouts de la chaîne : en support de règlement par l’acheteur, la plateforme reçoit immédiatement les fonds, et dès que l’acheteur valide la transaction, la plateforme peut débloquer immédiatement les fonds au bénéfice du vendeur.
- La vente de véhicules d’occasion entre particuliers ou au travers de plateformes de constructeurs automobiles.
- Les opérations immobilières qui font objet des fois de complications sur les émissions de chèques et dispositions des fonds au moment de la signature.
- Dans le domaine du crédit, par exemple pour le cas d’un crédit pour travaux, l’organisme de crédit peut régler directement un entrepreneur tiers.
En conclusion, pour que l’IP puisse prendre son essor au niveau européen et pour que les consommateurs se l’approprient, il faut qu’il soit mis au même niveau que les autres instruments de paiements (apporter les mêmes bénéfices, même sécurité, même niveau de confort, même tranquillité d’esprit dans son utilisation). Cela repose essentiellement sur l’identification d’un bon modèle économique afin de positionner le virement instantané entre le virement classique gratuit et la carte bancaire.
Y.Louafi, consultante CMG Conseil